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RDC-Rwanda : « Il n’y aura pas de paix à l’Est tant que … » – Tribune de Wina Lokondo

Alors que l’accord de paix signé à Washington entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda est salué comme un tournant diplomatique majeur, des voix critiques s’élèvent pour questionner sa portée réelle sur le terrain. Parmi elles, celle de l’intellectuel congolais Wina Lokondo, qui jette un pavé dans la mare dans une tribune sans concession : « Il n’y aura pas de paix à l’Est de la RDC tant qu’on refusera de dire la vérité. »

Wina Lokondo, acteur politique et analyste, signe ici une tribune qui ne manquera pas de susciter le débat, à un moment où la RDC cherche à refermer l’un des chapitres les plus sanglants de son histoire récente. Une paix sans mémoire ni justice, prévient-il, ne sera qu’une trêve fragile.

Pour Lokondo, les guerres récurrentes dans l’Est congolais ne peuvent être résolues par de simples accords économiques entre États. Le cœur du problème ne se situe ni dans les minerais, ni dans les trafics, mais dans la question identitaire, trop souvent évacuée des débats officiels.

Un conflit identitaire occulté

S’appuyant sur les propos du député Justin Bitakwira, originaire du Kivu, Wina Lokondo dénonce une hypocrisie persistante : « Le problème à l’Est est le conflit — la difficulté de cohabitation — entre Bantous et Nilotiques. » À ses yeux, tant que cette fracture n’est pas abordée de manière frontale, toute tentative de pacification restera vouée à l’échec.

Il plaide ainsi pour que le vrai processus de paix commence non à Washington, mais à Goma ou à Bukavu, au cœur des zones concernées, entre les représentants des communautés en conflit. Il s’agit d’un réarmement moral et culturel, sans lequel aucune signature ne pourra restaurer durablement la paix.

Une haine entretenue et une stigmatisation persistante

Lokondo interpelle avec force : « Le Rwanda pourra retirer ses soldats venus en soutien au M23. Les haines et les tueries entre ethnies bantoues et nilotiques cesseront-elles pour autant ? »

Il dénonce la stigmatisation persistante des Congolais tutsis, souvent assimilés à des étrangers : « Arrêtera-t-on de prendre tout Tutsi congolais pour un ‘Rwandais’, un ‘infiltré’, et de lui refuser la présence dans les institutions publiques ? » Cette exclusion structurelle nourrit les frustrations et alimente en retour la radicalisation de certains jeunes qui rejoignent des groupes d’autodéfense.

Les milices Maï-Maï, les Wazalendo et autres forces locales armées, souvent présentées comme des résistants, considèrent encore les Tutsis comme des ennemis héréditaires à « renvoyer au Rwanda », souligne Lokondo. Ce climat délétère empêche toute paix durable.

Un accord économique, une illusion politique ?

L’accord signé à Washington, centré sur la coopération économique et sécuritaire, est jugé insuffisant. Pour Lokondo, il évite les vraies questions et risque de n’être qu’une illusion diplomatique. Il cite Henry Kissinger : « Un accord qui ne règle pas les causes profondes du conflit n’est qu’une pause avant la prochaine guerre. »

Une paix sincère commence par un dialogue vrai

Wina Lokondo appelle à un dialogue courageux entre communautés locales, en RDC même. « Ce n’est pas à Washington que la paix doit être scellée, mais à Bukavu, à Goma, entre Bantous et Nilotiques qui partagent le même sol, mais pas encore la même vision du vivre-ensemble. »

Au-delà des signatures et des accolades entre chefs d’État, il en appelle à un sursaut national : « C’est ici que se situent les vrais problèmes de l’Est du Congo. » Pour lui, seule la vérité, même douloureuse, peut conduire à une paix sincère.

Wina LOKONDO