Le ministère de l’Économie nationale vient de publier le premier numéro de son bulletin mensuel intitulé « Suivi des prélèvements des prix des biens de grande consommation », couvrant la période de septembre à octobre 2025. Ce document, fondé sur des relevés effectués dans les marchés de Kinshasa, offre une lecture concrète des effets de l’appréciation du franc congolais (CDF) face au dollar américain sur les prix des produits de première nécessité.
Un outil de transparence et de régulation économique
Avec ce nouveau bulletin, le ministère veut se doter d’un instrument régulier d’observation des prix afin de mieux lutter contre la spéculation et de renforcer la transparence sur les marchés. À Kinshasa, les agents des divisions urbaines de l’Économie ont assuré un prélèvement hebdomadaire des prix sur 39 produits de grande consommation, représentant 183 marques et 62 types d’opérateurs, répartis sur 16 sites, dont les marchés Central, Gambela, Zigida et Liberté.
L’objectif, explique le rapport, est triple : informer le public, suivre l’évolution des prix et prévenir les abus spéculatifs souvent observés lors des fluctuations monétaires.
L’effet change : une transmission réelle sur les prix
Selon les analyses du ministère, l’appréciation du franc congolais — passé de 2 800 à 2 200 CDF pour un dollar américain, soit un gain d’environ 21 % — a produit des effets tangibles sur le marché. En moyenne, les prix des produits suivis ont reculé de 13 %, confirmant une transmission réelle de l’effet de change dans un contexte historiquement marqué par une inflation chronique.
« Cette inflexion constitue un signal encourageant de réajustement des prix à la baisse », note le rapport, qui y voit la preuve d’une réponse positive du marché à la stabilité monétaire. Les produits importés ou dépendant des circuits internationaux — tels que le poisson congelé, le riz, les huiles raffinées, les produits laitiers, ainsi que les viandes et volailles — figurent parmi les plus réactifs à cette amélioration du taux de change.
Les produits importés tirent les prix vers le bas
Les produits à forte dépendance au dollar enregistrent les baisses les plus spectaculaires. Il s’agit, notamment, de : poissons congelés : recul de -15 % à -49 % selon les variétés ; riz importé : baisse de -20 % à -32 % ; huiles raffinées (Regina, Oki) : chute moyenne de -25 % ; viandes et volailles : -15 % à -25 % ; matériaux de construction (ciment, tôles) : -16 % à -20 %.
Ces produits représentent environ un tiers du panier de consommation suivi par le ministère. Ils traduisent une amélioration directe du pouvoir d’achat des ménages, notamment pour les familles urbaines dont les dépenses alimentaires absorbent une large part du revenu.
Des baisses partielles pour les produits à forte composante locale
D’autres produits affichent des baisses plus modérées, comprises entre -5 % et -20 %. C’est le cas du sucre, de la farine de froment, des semoules, du pain, ainsi que des produits laitiers et ménagers. Ces variations partielles témoignent d’une transmission incomplète du gain de change.
Le ministère y voit l’effet d’une inertie structurelle : les coûts de transport, de stockage ou de distribution, libellés en francs, ne baissent pas nécessairement au même rythme que le taux de change. Cette rigidité limite donc la répercussion de la stabilité monétaire sur les prix finaux.
Des prix stables malgré la vigueur du franc congolais
Enfin, certains produits demeurent quasiment inchangés, voire en légère hausse. Les boissons, les condiments et les petits produits locaux affichent des variations allant de -5 % à +10 %.
Cette stagnation illustre ce que le ministère qualifie de « non-transmission du taux de change dans les chaînes de valeur locales » — autrement dit, un manque de répercussion des gains monétaires sur les prix de détail. Dans certains cas, une rétention spéculative des marges commerciales pourrait également être en cause.
Une tendance encourageante, mais à surveiller
Dans sa conclusion, le ministère de l’Économie se félicite de cette dynamique baissière, signe d’un rééquilibrage des prix et d’une amélioration du pouvoir d’achat. Néanmoins, il appelle à la prudence : «Le maintien d’une surveillance continue des marchés demeure essentiel pour apprécier la persistance de ces ajustements et identifier les secteurs encore rigides», confie un inspecteur de la division urbaine de l’Economie.
Cette veille régulière, souligne le rapport, permettra d’ajuster les politiques de régulation et de mieux orienter les interventions publiques en cas de nouvelles tensions sur les prix.
Vers une nouvelle culture de transparence économique
Au-delà des chiffres, cette initiative du ministère de l’Économie s’inscrit dans une démarche plus large : celle d’une économie de données, où la collecte et la publication régulière d’informations deviennent des leviers de confiance entre l’État, les opérateurs et les consommateurs.
Si elle se poursuit dans le temps, cette approche pourrait transformer la manière dont le gouvernement congolais pilote la politique des prix et anticipe les chocs économiques. Pour les ménages, c’est aussi un signe que le franc congolais, souvent considéré comme fragile, peut désormais être un facteur de stabilité — à condition que la rigueur monétaire et la transparence économique demeurent au rendez-vous.
La marque d’une gouvernance économique rigoureuse et transparente
Ce premier bulletin de suivi des prix illustre une nouvelle méthode de gouvernance économique portée par le Vice-Premier ministre, ministre de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba. En initiant un mécanisme régulier de collecte et de publication des données de marché, il place la transparence et la redevabilité publique au cœur de l’action gouvernementale.
Dans un contexte où la stabilité du franc congolais suscitait des attentes légitimes quant à son impact sur le panier de la ménagère, le ministre a su faire preuve de rigueur technique et de sens pratique. Son approche, fondée sur l’observation empirique et la diffusion d’informations vérifiées, permet non seulement de mesurer les effets réels de la politique monétaire sur les prix, mais aussi de restaurer la confiance entre l’État, les opérateurs économiques et les consommateurs.
En consolidant ce dispositif de suivi, Daniel Mukoko Samba confirme sa volonté de faire de l’économie congolaise un espace de vérité et de responsabilité, où les décisions publiques reposent sur des données concrètes. Cette démarche, à la fois méthodique et ouverte, redonne du sens à l’action publique et à la régulation du marché — un pas décisif vers une gouvernance économique plus moderne, transparente et proche du citoyen.
B.M.







