La reprise des concerts des artistes musiciens congolais dans les pays de l’espace Schengen, en particulier la France et la Belgique, relance les débats sur les spectacles qui sont livrés par les uns et les autres. La polémique enfle surtout entre les partisans de Fally Ipupa et ceux de Ferre Gola, qui se sont produits respectivement à la Défense Arena de Paris, et à Adidas Arena de Paris. C’est l’occasion pour journal en ligne de faire son analyse de cette épopée des grandes salles, et d’en tirer sa conclusion.
Par la qualité du spectacle (non stop, pas d’interlude faites de blagues avec le public, pas d’improvisation), la splendeur du son, la beauté des chorégraphies, l’harmonie des voix des chanteurs, la magnificence des instruments, et – carrément – le sérieux mis dans le rendement de cette production font du concert de JB Mpiana et le Wenge BCBG de 1999 au Zénith de Paris le meilleur de tous les spectacles organisés dans les grandes salles de France, mis à part ceux d’Abeti Massikini et de Tabu Ley des années 70 auxquels nous n’avons pas eu accès.
En mode non-stop, le concert de Wenge BCBG était structuré de manière à commencer par les tout premiers succès de Wenge Musica – les Mulolo, Fi-Sol et d’autres chansons bien souvent revues et magnifiquement corrigées – et remonter toutes les étapes de la vie de l’orchestre, les pas de danse des chanteurs étaient magnifiques. C’est dans la deuxième partie, intervenue après une sublime séance chorégraphique des danseuses que JB Mpiana et les siens ont pu interpréter quelques chansons de leur dernier album d’alors, notamment le générique de l’album Titanic et la chanson Omba.
Eternel bravo donc au Souverain 1er, et à tous ses compagnons de cette belle époque : les chanteurs Alain Mpela, Aimelia, Chaï Ngenge, Jules Kibens, Rio et Suzuki ; les guitaristes Alain Makaba, Fi-Carré Muamba, Burkina-Faso, le drummer Tytyna Al Capone, le batteur Seguin Bongonga et d’autres.
Cependant, dans le cadre d’une polémique malsaine à la congolaise, les rivaux de Wenge Maison Mère avaient déployé tous les efforts pour faire échouer, ne serait-ce que sur le plan de l’affluence, ce concert, le premier de la génération Wenge, dans un grand amphithéâtre d’Occident. Dernière trouvaille pour cela : se produire le même jour afin de diviser le public congolais. Mais les grandes salles nécessitent une réservation longtemps à l’avance. Faute d’une grande salle, les soutiens de Werrason se résolurent à louer “L’espace congrès”, une petite salle des fêtes pouvant accueillir entre 900 et 1.300 maximum, située à Villejuif, commune française située dans le département du Val-de-Marne en région Île-de-France.
L’intervention de M. Solution
Il n’y avait donc pas match entre Le Zénith de Paris et cette petite salle des fêtes de banlieue. Mais, en bons stratèges, les gens de Maison Mère avaient amené avec eux l’éternel Zacle, frère ethnique de JB Mpiana, mais pro-Werra. Une semaine plus tard, le journaliste retourne à Kinshasa et présente son émission “Vert-Vert”, la plus populaire de l’époque, afin d’expliquer aux Congolais ce qu’a été la confrontation de Paris entre les deux Wenge. Il grossit alors plus que de mesure le concert de Maison Mère, affirmant que la salle pouvait contenir plus de 5.000 personnes, multipliant des commentaires exagérés qui n’avaient rien à voir avec la réalité, montrant quelques extraits du concert, finalement quelconque, de Wenge Maison Mère. Pour dire à la fin qu’il n’avait ramené aucune image du concert de Wenge BCBG au motif que tout filmage extérieur était interdit par le producteur. Les fans de Werrason triomphèrent partout dans Kinshasa cette nuit-là à la fin de l’émission, alors que les supporters de JB s’en allaient passer une nuit cauchemardesque.
Sauf qu’il y avait un homme, surnommé “Solution” par JB Mpiana. Francis Kalombo avait anticipé cette éventualité. Il avait ainsi obtenu un CD de cinq minutes du concert de JB de la part du producteur, s’était rendu à l’aéroport le samedi soir mais il n’y avait pas de vol sur Kinshasa. Dieu merci : il y’en avait un sur Brazzaville. Il négocia alors avec un passager de Brazza inconnu qui accepta de prendre son CD. Ensuite, M. Solution appela son équipe de Kinshasa, envoya l’argent pour payer un aller-retour Kin-Brazza-Kin le dimanche matin pour retirer le fameux CD afin de l’amener à Manda Tchebwa.
C’est à la fin de l’émission Karibu Varieté que l’équipe partie à Brazza arriva sur le plateau de la RTNC, leur CD en main. Manda Tchebwa fut alors heureux d’annoncer la bonne nouvelle : les images du Zénith de JB étaient là. Tout Kinshasa en eut le souffle coupé en attendant la diffusion. D’abord, la majesté du patron de Wenge BCBG plonge les Congolais dans l’extase : il est habillé comme le Roi Louis XIV : un justaucorps de brocart marron et or, bordé d’une large dentelle dorée, un gilet de broché de même couleur, un baudrier blanc, un pantalon noir, une chemise blanche à jabot et amples manchettes de dentelle. Ensuite, c’est la volupté lorsque Elou Sagy Sharufa, deuxième épouse de Papa Wemba monte sur le podium, et coiffe le chanteur d’une couronne des rois de France en or massif, avant de lui faire piétiner une grande peluche de lion, pour symboliser l’écrasement de Werrason. Enfin, la musique fit le reste : même si l’extrait n’était que de cinq minutes, cela avait suffit pour établir définitivement la distinction entre les deux Wenge en compétition.
Après l’émission, les humeurs s’étaient inversées : les fans de BCBG étaient en fête, tandis que ceux de Maison Mère s’éclipsaient en rase campagne avec une mine d’enterrement.
Belhar MBUYI