L’opinion nationale et internationale n’a pas fini de jaser sur la fameuse tentative de coup d’Etat survenue à l’aube de ce dimanche 19 mai 2024. Depuis lors, l’eau continue de couler sous les ponts. Surtout que l’hypothèse d’un vrai coup de force contre les institutions, avancée par les autorités militaires, pose plus de questions qu’elle n’en résout.
Ce qui est établi, de manière non équivoque à ce stade, c’est l’attentat contre la vie de M. Vital Kamerhe. En effet, le commando du ci-devant Christian Malanga – une douzaine de personnes selon des sources –, a surgi vers 4 heures du matin devant la résidence du député de Bukavu et ministre de l’Economie sortant. Il a immédiatement ouvert le feu, suscitant la réaction des policiers commis à la garde de M. Kamerhe.
L’échange nourri de tirs a duré près d’une heure, et deux policiers y ont perdu la vie. Il s’agit là du seul fait avéré : la tentative d’atteinte à la vie de Vital Kamerhe. Si donc la garde de ce dernier n’avait pas fait preuve d’une résistance opiniâtre, à l’heure qu’il est, les choses auraient tourné au cauchemar.
Il reste maintenant les nombreux points d’interrogation. Quels sont ces putschistes qui ne se soucient pas de prendre le contrôle des médias officiels pour y passer leur message, de neutraliser les autorités politiques et militaires ? Quel est ce coup d’Etat qui se limite à attaquer la résidence d’un député national et ministre sortant de l’Economie ? Pourquoi chercher à attenter à la vie de M. Vital Kamerhe ? Pour l’empêcher d’accéder à la présidence de l’Assemblée nationale ?
Dans ce quartier parmi les plus sécurisés du pays – à un jet de pierre du Palais de la nation – comment un riverain peut-il être attaqué une heure durant à l’arme à feu, donc avec des détonations, sans que les nombreux soldats de la Garde républicaine qui protègent le bâtiment qui comprend le bureau du président de la République et de son cabinet, ne réagissent ?
Coup d’Etat ou coup d’éclat ?
Une heure après le début des tirs, lorsque les renforts arrivent enfin par le côté du Grand Hôtel, les assaillants prennent la fuite, et vont se réfugier … au Palais de la nation ! Ils y font leur cinéma : exhibent les anciens drapeaux du Zaïre, verts avec un cercle jaune au milieu avec un flambeau rouge, donnent leur message, comme quoi ils ne veulent plus voir Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi, et ils veulent restaurer la République du Zaïre.
Cependant, comment ont-ils pu pénétrer à l’intérieur du saint des saints des institutions congolaises, les bureaux de la présidence de la République ? Où étaient partis les centaines des gardes bien armés qui protègent habituellement de jour et de nuit ce haut lieu de la République ? Tout bien considéré, peut-on parler de tentative de coup d’Etat, là où les assaillants n’ont même pas tenté de prendre le contrôle d’aucun centre névralgique du pouvoir – l’escapade au palais de la nation n’apparaissant finalement que comme une fuite désespérée ? Où s’agit-il d’un coup d’éclat mal ficelé ?
Au demeurant, comment M. Christian Malanga a-t-il réussi à faire entrer au pays autant de tenues militaires frappées de l’écusson du drapeau du Zaïre, ainsi qu’autant d’armes, là où l’ancien conseiller spécial François Beya avait été arrêté et accusé de tentative de coup d’Etat et d’avoir importé de tenues militaires alors qu’il s’agissait d’un simple vêtement civil en modèle dissimulation, couramment appelé ‘‘Pentagone’’ et popularisé par Wenge Musica ? Comment les services de renseignement – civils et militaires – n’ont eu aucun vent de la préparation d’une éventuelle tentative de coup de force contre les institutions, d’autant que Christian Malanga est coutumier des discours va-t-en-guerre contre les pouvoirs en place à Kinshasa d’hier et d’aujourd’hui ?
Pour le moment, toutes ces questions demeurent sans réponse, en attendant le déroulement des enquêtes en cours. De réponses qui y seront apportées dépendra la perception que l’opinion nationale se fera du sérieux de ce qui est présenté, par les officiels, comme une tentative de renversement de l’ordre institutionnel établi.
Mbuta MAKIESSE