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Manque suprême d’humanisme : l’IGF bloque le paiement d’une créance d’opérateurs économiques ayant livré des vivres pour les militaires

Jules Alingete Key, Inspecteur général des Finances. Photo : Droits tiers

La RDC fait face, présentement, à des défis sécuritaires majeurs. Outre la guerre du M23/AFC dans les territoires de Rutshuru et Masisi qui pousse des milliers de personnes sur les routes dans le Nord Kivu, il y a également le mouvement terroriste ougandais ADF qui sème la terreur aussi bien à Beni au Nord Kivu que dans l’Ituri – province où les Codeco multiplient des carnages. Dans tous ces fronts, les soldats des FARDC tiennent, héroïquement, la dragée haute aux forces ennemies. Il est donc impératif de veiller au bien être des soldats et de leurs familles.

Selon une tradition solidement établie en RDC, les administrations publiques ainsi que les entreprises privées offrent aux agents et travailleurs de la nourriture en nature à chaque fin d’année pour leur permettre de bien fêter la fin de l’année, et de célébrer dans de bonnes condition le nouvel an. Mais à la fin de l’année dernière, l’Etat n’était pas en mesure de fournir ces dons en nature à ses agents. C’est ainsi que, en décembre, Jean Pierre Bemba Gombo, vice-Premier ministre et ministre de la Défense, réunit une brochette d’opérateurs économiques opérant dans le secteur de la livraison des vivres frais et autres, et souvent sollicités par le passé pour fournir les Forces armées et de sécurité.

L’homme d’Etat congolais leur explique alors les difficultés financières auxquelles le pays est confronté en cette année électorale. Il sollicite d’eux une livraison à terme des vivres – cartons de poulets, sacs de riz etc – pour permettre aux vaillants soldats congolais et à leurs familles de bien commémorer les festivités de fin d’année 2023, avec la ferme promesse qu’ils seront payés à fin janvier 2024. Par amour pour leur pays, le collectif d’opérateurs économiques a accepté la proposition, et débloqué des fonds pour acheter et fournir des vivres aux forces de défense et de sécurité ainsi qu’à leurs familles. Le total de l’opération se chiffre à 9.913.638,677 USD, selon nos enquêtes.

Mépris des ministères de la Défense et du Budget

Sauf que, janvier est passé depuis belle lurette et, à ce jour, aucun rond n’a été payé à aucun fournisseur. C’est le trouble dans le chef de ces opérateurs économiques qui ne savent plus à quel saint se vouer.  

Pourtant, selon nos sources, une demande de ‘‘paiement par la procédure exceptionnelle’’, signée par le vice-ministre du Budget Elysée Bokumwana, a été adressée, en avril, au ministre des Finances, après que le ministère du Budget ait procédé comme à l’accoutumée aux études et à la programmation budgétaire.

Mais c’est là que va intervenir l’IGF pour décréter que ce paiement était inéligible, et empêcher donc son exécution.    

Dans les rangs des opérateurs économiques, c’est le désarroi. «Pourquoi empêcher ce décaissement au profit de ceux qui ont aidé la République avec une traçabilité plus que claire ?», se demande un des gérants d’une entreprise des vivres frais concerné dans le dossier. «Un pays est gouverné par un gouvernement responsable, qui travaille sous la supervision du Premier ministre et rend compte au chef de l’Etat. Une structure de contrôle ne peut pas s’ériger comme co-gestionnaire de l’exécutif sans ravaler le pays au niveau d’une république bananière», s’insurge un autre. Qui s’étonne que l’IGF puisse ainsi se donner le droit de mépriser à ce point les ministères de la Défense et du Budget, en ce que le premier a fourni les éléments au second de faire la programmation de leur paiement.

Décanter la situation

Pour certains observateurs, le travail de l’IGF se limite, en réalité, à de la gloriole médiatique, sans aucun impact sérieux sur l’amélioration de la gouvernance du pays. «On ne peut pas nous montrer le résultat en termes concrets, du travail de l’iGF dans ce pays, combien de millions ont été récupérés pour compte du trésor public grâce à ses patrouilles financières. Tout ce que fait M. Alingete c’est de chercher le buzz, mais un buzz qui se fait parfois sur la désespérance de nombreux Congolais dont les dossiers sont injustement bloqués par des gens décidément sans cœur», se désole un analyste.

Les yeux sont désormais tournés vers la nouvelle Première ministre Judith Suminwa, et son gouvernement, pour décanter cette situation qui ne fait pas honneur à la République, et remettre ces compatriotes dans leurs droits. Du côté du ministère de la Défense, des sources indiquent que, financier de formation et et président de la commission économique du gouvernement au moment de l’implémentation de la chaîne de la dépense publique quand il était vice-président de la République pendant la transition, Jean Pierre Bemba est étonné et profondément déçu par la tournure que prend cette affaire, et se contente d’expliquer avoir confié le dossier au ministère du Budget.

Une façon de se refiler la patate chaude qui ne fait pas honneur au pays.

Mbuta MAKIESSE