Dans un communiqué publié le 14 août dernier, le ministère des Finances jubilait pour ‘‘la réussite’’ des adjudications aux obligations du trésor du mardi 13 août 2024. Sur un montant initial de 50 millions de dollars américains, les soumissions ont finalement atteint 131 millions de dollars, soit un taux de couverture de 278,2%. De quoi pousser Doudou Fwamba à entonner les sirènes de l’autosatisfaction : «ces résultats traduisent, non seulement la confiance renouvelée du système bancaire vis-à-vis du gouvernement, mais également la bonne tenue des finances publiques consécutives aux politiques d’ajustement budgétaires actuellement mises en œuvre dans le but de garantir notamment la stabilité du cadre macroéconomique». A y regarder de près, il n’y a rien de vrai dans tout cela.
D’abord, quel est l’intérêt d’émettre des obligations de trésor – titres de créance remboursables à moyen ou long terme qui servent généralement à financer des gros projets d’infrastructures – dans l’espoir de lever à peine 50 millions USD ? Qu’est-ce qu’un gouvernement sérieux peut espérer faire avec cette modique somme ? Comment un gouvernement qu’on espère voir mobiliser ses 16 milliards USD prévus au budget 2024, peut-il chercher 50 millions par des obligations du trésor ? Ayant finalement obtenu 131 millions dollars, le ministre Doudou Fwamba a promis d’orienter «les ressources mobilisées vers des projets structurants». Et l’homme s’est lancé dans une campagne de presse vertigineuse pour célébrer cette incroyable prouesse qu’il vient de réaliser sous les tropiques congolais.
Dans les milieux financiers du pays et du continent, aussi bien que chez les institutions financières internationales, nombreux se sont gaussé à gorge déployée. On rappelle que le gouvernement kenyan tient à construire d’énormes infrastructures – la ligne de chemins de fer Nairobi-Malaba de 262 km, l’autoroute Nairobi-Mombasa de 482 km, le port de Lamu, la modernisation de l’aéroport de Nairobi etc. Pour cela, en février dernier, le Kenya, qui misait sur 70 milliards de shillings kényans, soit 478,48 millions de dollars, a finalement engrangé près de 289 milliards de shillings (2,2 milliards de dollars américains), soit quatre fois le montant initialement recherché.
Mobilisation des recettes catastrophiques
Avec un taux d’intérêt de 18,5% dans un contexte d’inflation modérée (6,9% en janvier 2024), les obligations kenyanes promettent une marge nette confortable de 11,6%. Sur le marché secondaire, les investisseurs sont même disposés à payer une prime allant jusqu’à 6% au-dessus du prix d’émission pour profiter de rendements aussi attractifs. Pendant ce temps, en RDC, on entend Doudou Fwamba crier sur tous les toits comment il a réussi le miracle de lever 131 pauvres millions USD.
A la vérité, selon des sources de la Banque centrale du Congo, il n’y a nul projet d’importance qui sera financé par le gouvernement congolais avec cette somme modique. Le fait est simplement que les caisses sont quasi-vides, et que l’objectif poursuivi par le ministre des Finances est de trouver de quoi financer le déficit et de permettre à l’Etat de faire face à ses problèmes de dépenses courantes. “Cette opération des obligations de trésor constitue un véritable aveu d’échec”, nous explique un observateur de la finance congolaise.
En effet, la mobilisation des recettes dans le cadre du budget 2024 est catastrophique. Promulgué à 40 463,6 milliards de francs, soit, au taux moyen d’un dollar égale à 2 518 francs, l’équivalent de 16 milliards de dollars pour l’année 2024, le budget 2024 est à la peine. Selon le condensé d’informations statistiques n° 31 publié par la Banque centrale du Congo, au 2 août, la mobilisation totale des recettes n’était que de 15 871 317 millions de francs, soit 5,5 milliards de dollars américains au taux actuel. Il est clairement quasi-impossible d’atteindre 16 milliards USD dans les cinq mois qui restent qui restent pour l’année en cours. Comment le gouvernement va-t-il combler ce déficit ? Par le financement monétaire, au risque d’alimenter davantage une inflation prévue à 10,4% fin-période dans le budget 2024, mais qui se chiffre déjà à 14,779% au 10 août ? En supprimant simplement une série d’investissements prévus au budget 2024 ? Mystère !
Dans tous les cas, ce tableau montre, si besoin en était, le pourquoi d’une émission des obligations du trésor somme toute ridicule. Et c’est ce que Doudou Fwamba appelle «la bonne tenue des finances publiques consécutives aux politiques d’ajustement budgétaires actuellement mises en œuvre dans le but de garantir notamment la stabilité du cadre macroéconomique».
Le commun des Congolais s’en trouve étonné !
MULOPWE Wa Ku DEMBA