M. Ronny Jackson lors de son intervention devant une commission du Congrès américain ce mardi 25 mars 25 à Washington|Photo : capture d’écran Finance-cd.com
Le dimanche16 mars 2025 à la Cité de l’Union africaine, le président Félix Tshisekedi avait reçu en audience M. Ronny Jackson, membre du Congrès américain présenté par la présidence congolaise comme un envoyé spécial du président des États-Unis Donald Trump. L’homme, médecin de carrière et ancien officier de la marine qu’il a quittée au grade de contre-amiral, est effectivement très proche du chef de l’Etat américain dont il a été médecin lors de son premier mandat. Cette visite, la première d’un officiel américain depuis l’élection de M. Trump, revêtait une grande importance dans la mesure tous les observateurs attendent de voir comment la nouvelle administration américaine va percevoir la crise qui sévit dans les Grands lacs, au moment où la RDC fait assaut avec sa proposition de minerais contre sécurité. Le rapport de M. Jackson a de quoi inquiéter à Kinshasa.
La crise sécuritaire et humanitaire qui prévaut dans l’Est de la RDC, marquée par la présence des troupes rwandaises qui appuient les rebelles du M23, était le principal sujet à l’ordre du jour de la rencontre entre le président congolais et le congressiste Ronny Jackson. Pour l’émissaire américain, «il faut que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC soient respectées de tous». «Nous allons travailler pour que tous les obstacles qui s’érigent sur le chemin de la paix soient ôtés afin que la paix revienne en RDC», avait rassuré M. Ronny Jackson.
Dans la même logique, l’Envoyé spécial du Président Trump avait émis le vœu de voir des investissements américains atterrir sur une terre où règne la paix. «Nous voulons travailler pour que les entreprises américaines puissent venir investir et travailler en RDC. Et pour cela, nous devons nous rassurer qu’il y a un environnement de paix», avait-il insisté.
Après une visite à Kinshasa, la tournée africaine du représentant du Congrès américain s’est poursuivie au Rwanda, après un passage à Brazzaville. Pendant sa visite de deux jours à Kigali, l’envoyé de Donald Trump s’est entretenu avec le chef d’État Paul Kagame pour discuter de la «coopération en cours pour promouvoir la paix dans la région», selon un message de la présidence. À la tête du Sous-comité de la Chambre des représentants sur le renseignement et les opérations spéciales, il a également rencontré deux figures de l’appareil sécuritaire rwandais : le ministre de la Défense Juvénal Marizamunda, et le secrétaire général des services de renseignements Aimable Havugiyaremye.
‘‘Gouvernement en mauvaise posture’’
C’est donc ce mardi 25 mars 2025 qu’il a fait son rapport devant une commission du Congrès américain. Et ce rapport risque fort de décevoir à Kinshasa, tellement l’envoyé spécial de Donald Trump balaie toute la rhétorique et les espoirs du gouvernement congolais.
Parlant des causes profondes du conflit, M. Ronny Jackson a soutenu que lors du découpage colonial, une partie du territoire du Rwanda avait été inclus dans le Congo, mais que les habitants de cette partie sont reniés dans leur nationalité congolaise, faisant référence aux Tutsi du Kivu. «Je crois comprendre que certaines personnes dans l’est de la RDC ne sont pas reconnues comme citoyens congolais, et peut-être pas, en partie, parce que c’était le Rwanda avant le redécoupage des frontières il y a de nombreuses années. Et, vous savez, cela faisait partie du Rwanda, mais je vous dirais qu’une grande partie de l’Ouganda était aussi le Rwanda. Après le redécoupage, qui est maintenant l’Ouganda, ces personnes ont été immédiatement assimilées et traitées comme des citoyens ougandais. Mais cela ne s’est pas produit en RDC, et je pense que c’est une partie du problème», a-t-il déclaré.
Par voie de conséquence, il considère le M23 comme un mouvement qui lutte pour la reconnaissance des droits de ces citoyens. Ajoutant : «Le M23, avec ou sans le Rwanda, est actuellement quasiment incontesté dans la région. Ils font ce qu’ils veulent, et l’armée congolaise ne riposte même pas. Ils ne partiront pas de si tôt».
Évoquant l’Est du pays, il a indiqué : «Je crois sincèrement que le gouvernement de Kinshasa n’a aucun moyen de contrôler cette région pour le moment. Il n’a ni les ressources ni la capacité d’influencer réellement ce qui s’y passe». Et concernant l’exploitation des ressources naturelles de la RDC : «Nous savons que l’Ouganda importe des minerais de là-bas. Le Rwanda le fait aussi. Le Burundi aussi. Tout le monde le fait, et rien ne peut les en empêcher».
Abordant la questions des investissements éventuels américains en RDC, il a réagi : «les investisseurs ne peuvent pas y aller, non seulement à cause de l’insécurité, mais aussi à cause de la corruption qui est très élevée. La corruption et une justice malade mettent à mal la gouvernance».
Plus grave, il porte cette accusation : «J’ai parlé à une entreprise suisse ce matin. Ils m’ont dit que leur entreprise valait 18 milliards de dollars et qu’ils avaient reçu une facture d’impôts de 80 milliards de dollars cette année, ce qui est ridicule. Ils ont protesté et obtenu une réduction de la facture d’impôts à un milliard, ce qui représente toujours 100 fois leurs bénéfices annuels. Ils sont imposés à un taux déraisonnable». Et d’ajouter : «Les pots de vin sont un problème majeur. les Chinois peuvent se les permettre, les Etats Unis ne le peuvent pas, et beaucoup d’autres pays ne peuvent pas en payer autant. Le système judiciaire est partial; en cas de conflit ou de désaccord, on ne peut pas être sûr qu’un jugement équitable sera rendu. Partout, des preuves montrent que des membres du gouvernement et leurs familles s’enrichissent à outrance grâce à la situation, tandis que la population meurt de faim et vit dans un environnement déplorable. Je pense que nous devons trouver une solution à ces problèmes avant de penser aux autres étapes».
M. Jackson conclut en disant : «Je pense donc que le gouvernement congolais est en mauvaise posture». Depuis Kinshasa, M. Ronny Jackson avait également promis de faire son rapport aussi bien au Congrès qu’au président Donald Trump.
Il va sans dire que ce rapport inquiète énormément à Kinshasa. D’autant que le gouvernement congolais misait sur un projet d’accord minerais contre sécurité avec les Etats Unis, dans l’espoir de restaurer la paix dans l’Est du pays. Le gouvernement congolais n’a pas encore réagi à ce rapport.
R.M.







