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66 millions de dollars mensuels au Rwanda ? Jean-Pierre Bemba pris en flagrant délit de contre-vérité

Jean-Pierre Bemba, vice-premier ministre en charge des Transports, a récemment lancé une bombe médiatique sur la radio Top Congo : 66 millions de dollars américains auraient été transférés chaque mois, pendant 18 ans, du Trésor congolais vers le Rwanda, au titre d’un mystérieux “effort de guerre”. Soit 792 millions par an, pour un total astronomique de 14,3 milliards de dollars sous le régime de Joseph Kabila. L’accusation est grave. Mais elle ne résiste à aucune vérification sérieuse.

À la demande de nos lecteurs, nous avons confronté cette déclaration aux faits. Et le constat est implacable : Bemba a menti. De manière flagrante et outrancière. D’entrée, l’auteur de cet article n’est pas – et n’a jamais été – un partisan de Joseph Kabila. Bien au contraire : il l’a combattu par sa plume de manière radicale tout au long de son règne, plusieurs articles encore sur le net faisant foi.

Des chiffres qui défient la logique

Dès l’annonce, les économistes ont levé un sourcil. Pourquoi ? Parce qu’aucun budget de la République Démocratique du Congo durant les années visées ne permet un tel transfert sans effondrement économique immédiat.

Prenons 2001, année charnière. Le dernier budget signé par Laurent-Désiré Kabila s’élevait à seulement 66,6 milliards de francs, soit 273 millions USD. Impossible, dès lors, de prélever 792 millions pour les envoyer à Kigali. Cela reviendrait à faire sortir trois fois le budget annuel… d’un pays en ruine.

Un pays à genoux… puis redressé

En effet, en l’an 2000, la RDC est à l’agonie : une inflation de 550 %, une croissance à -6,9 %, et une politique de taux de change fixe avec un écart de 240 % entre taux de change officiel et marché parallèle.

À l’arrivée de Joseph Kabila en janvier 2001, des réformes drastiques sont lancées avec l’appui du FMI, avec la mise en œuvre d’un Programme intérimaire renforcé. Ce programme vise alors la fin du taux de change fixe, l’unification du marché de change, et l’instauration d’une discipline budgétaire stricte avec la gestion sur base caisse (dépenses engagées uniquement si ressources disponibles).

Résultat ? L’inflation chute à 357 % en 2001, puis à 25,3 % en 2002 ; la croissance, qui était de -6,9% en 2000, redevient positive dès 2002 à 2,95%.

Mais surtout, les budgets restent très loin des chiffres évoqués par Bemba. En 2002, le premier budget de l’ère Joseph Kabila atteint à peine 147 milliards de francs mobilisés, soit 427 millions USD. Et en 2003, il monte à 546 millions USD. Toujours en dessous des supposés 792 millions annuels envoyés au Rwanda selon Jean Pierre Bemba.

Quand Bemba lui-même tenait les cordons de la bourse

Ironie de l’histoire : à partir de mi-2003, Jean-Pierre Bemba devient vice-président de la République chargé de la commission économique et financière. Il a immédiatement la merveilleuse idée de se placer en ultime intervenant dans la chaîne de la dépense publique, après les ministres du Budget et des Finances, et avant la liquidation de toute dépenses par la Banque centrale. Concrètement, aucune dépense publique significative ne pouvait se faire sans son aval.

S’il existait donc un transfert régulier de fonds vers le Rwanda, Bemba en aurait été le signataire et en détiendrait les preuves.

2007 : des budgets en hausse… mais toujours insuffisants

En 2007, sous le gouvernement Gizenga, les prévisions budgétaires dépassent enfin les 2 milliards USD. Mais à l’exécution, le budget réellement mobilisé plafonne à 1,5 milliard USD, dont 1,07 milliard issu des ressources intérieures.

Allouer 792 millions à un pays étranger aurait englouti plus de la moitié de ces ressources. Inconcevable sans provoquer une hyperinflation inédite et un effondrement budgétaire.

Il n’y a pas de place au doute : les déclarations de Jean-Pierre Bemba sont non seulement infondées, mais insultent l’intelligence collective. Faire croire à un détournement annuel équivalent à la totalité — voire au double ou au triple — du budget national est un non-sens absolu, et relève de la désinformation pure.

Le président de la République, Félix Tshisekedi, gagnerait à se désolidariser de telles affabulations, qui n’apportent ni prestige, ni crédibilité à son gouvernement.

MULOPWE Wa Ku DEMBA