Le vice-président de la Commission ATIC de l’Assemblée nationale, Victor Bintu, avec la députée de Tshela Nancy Nkongo|Photo : Sphynxrdc.com
Quelques semaines après son audition devant la commission Aménagement du territoire, infrastructures et communication (ATIC) de l’Assemblée nationale, le Directeur général de la Société nationale d’électricité (SNEL), Fabrice Lusinde, avait détaillé une série de réformes structurelles qu’il jugeait nécessaires pour relancer durablement le secteur énergétique congolais. Des réformes jugées ambitieuses, mais encore trop éloignées de la réalité de terrain, selon plusieurs députés.
C’est donc dans la logique du suivi parlementaire que ces élus nationaux ont effectué, ce samedi 28 juin, une descente sur les deux principaux sites de production électrique de la SNEL dans le Kongo Central : les centrales hydroélectriques de Zongo I et Zongo II. Membres de la commission ATIC, ils sont venus « palper du doigt » la réalité, évaluer l’état des installations, apprécier les efforts des équipes techniques, et surtout formuler des recommandations à l’attention de l’État, unique actionnaire de la SNEL mais aussi, paradoxalement, l’un de ses principaux débiteurs.
Une visite technique à haute portée politique
Sur place, c’est l’ingénieur Henri Makap, Directeur de production de la SNEL, qui a assuré la présentation technique. Il a retracé l’historique des deux centrales. Zongo I, construite en 1955 pour une capacité de 75 mégawatts, ne produit aujourd’hui que 18. Quant à Zongo II, plus récente, elle opère actuellement à 134 mégawatts sur les 150 prévus initialement, en raison d’un débit d’eau insuffisant.
Mais au-delà des chiffres, les députés ont été surtout frappés par l’ampleur des défis non résolus : vieillissement des équipements, absence de remplacement planifié, pression démographique exponentielle sur Kinshasa, et surcharge du réseau national. À cela s’ajoutent les contradictions systémiques : la SNEL, bien que publique, est soumise à une fiscalité lourde, paie pour l’eau qu’elle capte, s’acquitte des droits de douane sur son matériel et supporte des taxes locales… tout en étant régulièrement ignorée par l’État quand il s’agit du paiement de ses propres factures.
Dieudonné Nsase : « Sans électricité, le développement restera une illusion »
Premier vice-président de la commission ATIC et député de la circonscription de Lusambo, Dieudonné Nsase ne cache pas sa déception devant le constat du terrain. Pour lui, il est urgent que l’État change de posture vis-à-vis de la SNEL.
« Nous avons compris que le développement de la RDC ne peut être boosté sans électricité. Si nous négligeons la SNEL, nous tournons le dos à l’avenir. L’État doit prendre ses responsabilités, car il ne peut en même temps être actionnaire, percepteur et mauvais payeur. »
Il plaide pour un accompagnement institutionnel renforcé de la SNEL, par l’Assemblée nationale elle-même :
« Nous allons mettre en place une commission parlementaire pour accompagner cette entreprise stratégique. Il faut que l’État cesse de lui demander de l’argent alors qu’il la prive de moyens. »
Georges Matutala : Des techniciens héroïques, une infrastructure à bout de souffle
Député de Madimba, Georges Matutala a salué l’engagement des équipes sur le terrain, tout en soulignant le paradoxe d’une entreprise qui survit grâce au dévouement de ses agents, et non à des investissements structurels.
« Nous avons vu des techniciens qui dorment dans les centrales pour que la production ne s’arrête pas ».
Il évoque les réclamations croissantes de la population dans les localités comme Kimpese, Mbanza-Ngungu et Inkisi, notamment sur les problèmes de facturation, et insiste :
« La population doit comprendre que refuser de payer ne règle rien. Mais en retour, la SNEL doit pouvoir améliorer la qualité de son service. »
Patrick Nzola : « Il faut moderniser, mais aussi éduquer »
Également élu de Madimba, Patrick Nzola concentre son attention sur les réformes évoquées par le DG de la SNEL lors de son audition : système prépayé, paiement mobile, et gestion communautaire de l’énergie. À Kisantu, dans le quartier Genève, il a plaidé pour un changement de mentalité.
« Avec le courant prépayé, chacun maîtrise sa consommation. C’est un progrès. On ne devrait plus faire des kilomètres à moto pour payer une facture dérisoire. »
Mais le député va plus loin. Il appelle à la préservation des ressources naturelles qui soutiennent l’activité énergétique dans la région :
« La rivière Inkisi est vitale. Elle alimente les barrages hydroélectriques Zongo I, Zongo II et Sanga. Couper les arbres autour de cette rivière, c’est détruire notre capacité de produire demain. »
Victor Bintu : « La SNEL est ligotée dans un système injuste »
Député de Kahemba, Victor Bintu concentre sa critique sur le modèle économique imposé à la SNEL par l’État lui-même.
« Les privés du secteur de l’énergie fixent leurs prix librement. La SNEL, elle, est soumise à des tarifs imposés, tout en étant accablée de taxes. C’est un étouffement. »
Selon lui, la SNEL mérite un nouveau contrat social :
« La SNEL fait du bon travail. Elle pourrait faire mieux. Mais elle a besoin d’oxygène. C’est à l’État de lui en donner, au lieu de continuer à la saigner. »
Nancy Nkongo : « Protéger les infrastructures, c’est protéger l’avenir »
Seule femme de la délégation, la députée de Tshela, Nancy Nkongo, a profité de son passage à Kisantu pour sensibiliser la population sur l’importance du respect des installations électriques :
« Les poteaux, les transformateurs, les lignes… et le courant prépayé ce sont des biens publics. Il faut les protéger, éviter tout ce qui peut entraver la bonne fourniture de l’électricité et de surcroît, apprendre à utiliser l’électricité selon les normes. »
Un front parlementaire pour pousser l’État à agir
Face à la dégradation avancée des centrales, à la vétusté des équipements et aux incohérences structurelles du système énergétique national, les élus de la commission ATIC ont, à l’unanimité, décidé de constituer un groupe de travail parlementaire chargé de mener un lobbying actif et soutenu auprès du gouvernement. Leur objectif : pousser l’État congolais à solder sa dette envers la SNEL, à cesser d’être son principal créancier et à devenir enfin un soutien stratégique du redressement du secteur énergétique.
Pour eux, le salut du pays passe par une politique volontariste de l’État en faveur de la SNEL non plus comme une entité à pressurer, mais comme un levier de développement. À défaut, préviennent-ils, l’entreprise nationale continuera de s’épuiser dans un système qui l’engloutit au lieu de la porte
Les députés nationaux et membres de cette commission examineront aussi à la loupé le contrat chinois pour la construction de Zongo II qui est aujourd’hui plus bénéfique à la partie chinoise qu’à la SNEL qui voit sa dette augmenter alors que cette infrastructure pourtant jeune présente déjà des insuffisances avec une route qui s’est dégradée à l’espace de quelques années seulement après sa construction et un bâtiment qui se délabre avec des fissures. Ces députés nationaux ont fini leur descente par la visite de l’hôpital et de l’école moderne de la SNEL où les agents et leurs familles profitent des soins et scolarité gratuits.
Les députés nationaux ont aussi effectué un tour à Inkisi au quartier Genève pour s’assurer de l’effectivité du système de prépaiement à Kisantu. La population consultée a exprimé sa satisfaction tout en demandant à la SNEL d’élargir ce système à d’autres clients qui n’ont pas encore des compteurs et le demandent:” nos voisins qui étaient méfiants au début viennent nous voir pour nous demander qu’est ce qu’il faut faire pour avoir ce système. Nous les renvoyons vers la SNEL. Il faut que la SNEL pense à ces voisins qui sont dans le besoin en apportant des compteurs, confié une ménagère.
Tiré de Sphinxrdc.com