À l’approche de la session budgétaire de septembre, qui s’ouvrira dans quelques jours au Parlement, le Vice-Premier ministre et ministre du Budget, Adolphe Muzito, a lancé une série de consultations avec les ministres sectoriels. Cet exercice, entamé mardi 2 septembre et poursuivi le lendemain, vise à harmoniser les prévisions de dépenses et de recettes, dans un contexte national marqué par de fortes contraintes économiques et sécuritaires.
Une démarche inédite qui, selon plusieurs observateurs, traduit la volonté du gouvernement de la Première ministre Judith Suminwa Tuluka d’instaurer une gouvernance budgétaire plus transparente, plus rigoureuse et surtout participative.
Mardi 2 septembre : un premier tour d’horizon des priorités
Sous la supervision du vice-ministre du Budget, Elysée Bokumwana, une première vague de ministres a défilé à la Vice-Primature. Parmi eux, ceux du Commerce extérieur, des Droits humains, de l’Urbanisme et Habitat, des PTNTIC, de l’Économie numérique, des Sports et Loisirs ainsi que de l’Environnement.
Pour Julien Paluku, ministre du Commerce extérieur, l’enjeu est double : accroître la mobilisation des recettes et consolider la contribution de son secteur au financement de l’État. « Nous avons tenu à revoir nos chiffres afin d’annoncer que le ministère va hausser son niveau de recettes. C’est indispensable si nous voulons donner à l’État les moyens de faire face à la crise actuelle », a-t-il expliqué.
Le ministre des PTNTIC, José Panda, a rappelé les ajustements nécessaires à la suite de la scission entre son portefeuille et celui de l’Économie numérique. « Nous avions au départ un budget prévisionnel d’environ 162 milliards de francs congolais en 2025. Aujourd’hui, il fallait corriger les choses, surtout que chaque ministère fonctionne désormais séparément », a-t-il souligné, tout en insistant sur la place stratégique des télécommunications dans l’économie congolaise.
La ministre de l’Environnement, Marie Nyange Ndambo, accompagnée de son délégué, a insisté sur l’intégration des projets validés par le ministère du Plan dans la future loi de finances. Elle a également mis en avant les besoins nouveaux liés à l’ajout du volet « Nouvelle économie du climat » à son portefeuille. « Cela exige des réformes profondes et des activités inédites par rapport à ce qui existait auparavant », a-t-elle indiqué.
Quant au ministre de l’Économie numérique, Augustin Kibassa Maliba, il a plaidé pour que son secteur dispose des crédits nécessaires afin d’accompagner la révolution digitale mondiale. « Le numérique est devenu un moteur central de croissance. La RDC ne doit pas rester en marge. Nous voulons non seulement assurer le fonctionnement du ministère, mais aussi accroître sa contribution au budget national », a-t-il déclaré.
Du côté de l’Aménagement du territoire, Jean Lucien Bussa a vu dans cette rencontre un exercice de réalisme. « Nous savons que nous ne pourrons pas tout obtenir, mais des ajustements compatibles avec nos objectifs opérationnels sont nécessaires », a-t-il affirmé.
Le ministre des Droits humains, Samuel Mbemba, a pour sa part insisté sur des missions prioritaires : le plaidoyer pour la reconnaissance du génocide, l’implémentation de la justice transitionnelle, sans oublier le fonctionnement régulier de son département.
Enfin, le ministre des Sports, Didier Budimbu, a reconnu le poids budgétaire important de son secteur. « Nous consommons beaucoup de ressources, mais nous avons besoin d’un budget adapté pour accompagner nos ambitions sportives », a-t-il dit, en annonçant la poursuite des discussions techniques entre ses experts et ceux du Budget.
Mercredi 3 septembre : la diplomatie et la défense au centre des échanges
La deuxième journée de consultations a débuté avec la cheffe de la diplomatie congolaise, Thérèse Kayikwamba, qui a défendu les priorités du ministère des Affaires étrangères. « Nous avons insisté sur la nécessité de tenir compte des grandes échéances de 2026, notamment l’entrée de la RDC au Conseil de sécurité de l’ONU », a-t-elle souligné, se disant satisfaite d’avoir pu défendre les ambitions diplomatiques du pays malgré les contraintes financières.
La ministre de la Culture, Yolande Elebe, a plaidé pour un budget qui permette à la culture de jouer pleinement son rôle de moteur de développement. « Il est temps que la culture ne soit pas seulement perçue comme un secteur accessoire, mais comme un levier de rayonnement et de diplomatie culturelle », a-t-elle insisté.
Pour sa part, le ministre délégué aux Anciens combattants, Éliezer Tambwe, a mis en avant la nécessité d’améliorer les conditions de vie des militaires et anciens combattants. « Pour que nous soyons en sécurité, il faut d’abord s’occuper de ceux qui garantissent la sécurité », a-t-il martelé, appelant à bâtir une armée forte et respectée.
Le ministre de l’Économie, Daniel Mukoko Samba, a focalisé son plaidoyer sur deux nouvelles structures créées par décret : le Fonds de régulation économique et la Commission de la concurrence. « Elles devront démarrer dès 2026, il est donc indispensable de les budgétiser correctement », a-t-il expliqué.
Du côté du Développement rural, Grégoire Mutshayil a attiré l’attention sur l’urgence de financer des projets structurants dans les zones rurales : accès à l’eau potable, routes de desserte agricole, infrastructures de base. « Si nous voulons freiner l’exode rural, il faut investir dans la qualité de vie au village », a-t-il averti.
Enfin, le ministre de la Pêche et Élevage, Jean-Pierre Tshimanga, a salué un budget « raisonnable et réaliste », compte tenu du contexte sécuritaire. « Nous faisons face à la guerre. Nos exigences doivent rester proportionnées », a-t-il rappelé.
Une méthode qui marque un tournant
En recevant tour à tour chaque ministre, la Vice-Primature du Budget impose une discipline nouvelle dans la gestion des finances publiques : impliquer chaque membre du gouvernement dans la préparation du budget, responsabiliser les portefeuilles et favoriser un arbitrage réaliste entre besoins et moyens disponibles.
Pour Adolphe Muzito, il ne s’agit pas seulement de compiler des chiffres, mais de bâtir un cadre budgétaire qui reflète les priorités nationales : sécurité, diplomatie, transition écologique, infrastructures, développement rural et croissance numérique.
Alors que le pays traverse un contexte sécuritaire tendu, l’exercice budgétaire 2026 apparaît comme un test majeur pour la coalition au pouvoir. En multipliant les consultations, Muzito cherche à donner au futur budget une double légitimité : celle des chiffres et celle du consensus politique.
Les échanges se poursuivront dans les prochains jours, avant la présentation officielle du projet de loi de finances devant les députés et sénateurs. L’enjeu est clair : doter la RDC d’un budget qui, pour une fois, allie réalisme, rigueur et efficacité.
Belhar MBUYI