Femmes Banyamulenge pleurant après le massacre de Gatumba en 2004. |Photo : Droits tiers
Profondément humaniste, héraut d’une nation congolaise fondée sur les valeurs, dont la coexistence pacifique et l’acceptation mutuelle de toutes les communautés composant ce pays tel qu’héritées de la colonisation, Wina Lokondo est un défenseur des causes difficiles. Nul ne saurait lui faire le procès en carence de convictions, d’autant qu’il prend souvent la parole pour défendre ce qu’il croit juste, sans être personnellement concerné, et sans avoir aucun intérêt personnel à faire prévaloir. Comme ce fut le cas lorsqu’il élevait la voix contre la ségrégation dont sont victimes les Pygmées, premiers habitants de ce territoire qui est devenu la RDC, et qui, chaque jour qui passe, font face au mépris général et à des discriminations de toutes sortes. Dans cette tribune dont il nous a réservé copie, ce fils de l’Equateur aborde la question de l’instabilité chronique de la partie orientale du Congo et de la guerre qui y sévit. Avec un réel courage, il ose désigner tout haut ce qu’il estime être la cause principale de ces conflits à répétition : «l’animosité contre les Tutsi, traités d’étrangers, est la cause fondamentale de guerres sempiternelles à l’Est». Il recommande ainsi une cohabitation pacifique entre tous les groupes ethniques du Kivu afin de mettre fin à ces guerres. Pour cela, il soutient que les élites du Kivu sont les plus à même de faire cesser la guerre, en donnant le bon exemple, et de cesser de faire de la souffrance de leur peuple leur fonds de commerce.
Ci-après, la tribune de Wina Lokondo.
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RDC : LA PAIX EST AUX MAINS DES KIVUTIENS

S’il n’y a pas eu de guerres à répétition à l’Est du Congo sous Mobutu, c’est tout simplement parce que ce dernier a eu de l’autorité sur tout le monde et n’a jamais permis – ayant fait de l’unité nationale son obsession – l’expression sur la place publique des discours ethnicistes et xénophobes. Ceux-ci ont malheureusement eu libre cours après son départ du pouvoir.
L’animosité contre les Tutsis, dits “étrangers”, qu’ils soient Congolais ou pas, est la cause fondamentale de sempiternelles guerres à l’Est. Celle-ci n’est pas économique (le pillage des richesses dans la région est le fait à la fois des nationaux et des étrangers, comme le sont les monstrueux détournements des fonds publics de la part de diverses autorités au niveau national), contrairement à ce qu’on raconte à la communauté internationale.
Et nous ne l’apprenons pas aux ressortissants des provinces de l’Est qui le savent, même s’ils refusent de l’avouer. Disons-nous la vérité : une incontournable et pacifique coexistence avec les Tutsis s’imposent à nos frères de l’Est, membres des autres ethnies. La réalité est binaire : ou c’est la cohabitation pacifique ou c’est la guerre éternelle avec les Tutsis qui se revendiquent Congolais et qui, nombreux, sont nés au Congo. C’est, pour eux, une question de survie, estimant n’avoir pas autre lieu de vie – autre pays – que le Congo. Il n’y a pas d’autre alternative à cet impératif de renonciation à l’adversité.
Et ce sont les élites “antagonistes” de différents groupes sociaux du Nord et du Sud Kivu qui doivent courageusement le dire et montrer l’exemple. Nelson Mandela et Frederik De Clerck l’ont fait en Afrique du Sud, et la paix politique et sociale s’y est installée entre Noirs et Blancs malgré le passé douloureux qu’a connu ce pays. Il n’y aura jamais de victoire militaire des uns sur les autres à l’Est du Congo.
Élites kivutiennes, mettez fin à la guerre. Le pays entier en pâtit. Cette responsabilité revient à vous, prioritairement – pas aux Congolais des autres provinces ni aux étrangers -, parce que vous êtes les premières concernées en tant que personnes “éclairées” et originaires des provinces en guerre devant montrer la (bonne) voie à suivre. Épargnez vos parents, frères, sœurs, épouses et enfants les souffrances qu’ils endurent actuellement en errance sur les routes et en vivant comme des animaux dans des “camps de déplacés”.
Leur souffrance ne doit pas continuer d’être vos “fonds de commerce”, les causes ignobles de vos enrichissements et de vos ascensions politiques. La haine et la guerre ne peuvent pas être des cultures de vie, des choix valorisants d’une société. Elles ne produisent que violences physiques diverses, souffrances psychologiques et sang. Toute chose doit avoir une fin. Leaders du Kivu, mettez fin à la guerre.
Wina LOKONDO, Analyste et acteur politique