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Godé Mpoy essaie de se défendre, confond taux directeur et points de base, et finit par s’embrouiller totalement

Ce mercredi 16 octobre 2024 à la tribune de l’Assemblée nationale, les propos de Godé Mpoy avaient été on ne peut plus clairs : «Du fait de l’environnement multicrise : sécuritaire, climatique et géopolitique, toutes les puissances économiques du monde avaient revu certes à la hausse leurs taux directeurs à 25%, notamment les Etats Unis et l’Euro zone. Mais à ce jour, ces taux ont été déjà revus à la baisse, et se situent autour de 5%». Les oreilles de Vital Kamerhe ont sifflé à l’écoute de ces chiffes. Le président de la chambre basse du Parlement a interpellé le pasteur-député, et expliqué que ni les Etats Unis, ni la zone Euro n’ont jamais atteint un taux directeur de 25%. Ce qui a provoqué une protestation de Godé Mpoy, et un échange surréaliste entre les deux membres de l’Assemblée, de surcroît tous deux professeurs d’économie. Depuis lors, Godé Mpoy s’est expliqué pour donner son éclairage. Qui a amplifié la confusion.

Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux ce vendredi 18 octobre 2024, Godé Mpoy donne sa version sur son intervention à l’Assemblée nationale. «Lorsque les spécialistes des questions bancaires vous disent que notre taux directeur a baissé de 25% à 5%, ce n’est pas de l’arithmétique entre les chiffres 25 et 5. Les 25% s’écrivent comme étant 0,25, et dans le jargon, comme le monde emploie beaucoup l’Anglais, on ne met pas de virgule, mais un point. Et le taux qui était à 5,25% est descendu à 5. Ça ne devrait pas déranger. Les 25% s’écrivent 0,25», explique-t-il.

Cette explication, déjà laborieuse, ne brille pas par sa véracité. D’abord, le taux directeur étant, comme son nom l’indique, d’abord un taux (un taux d’intérêt fixé par une banque centrale pour les prêts qu’elle accorde aux banques commerciales qui en ont besoin), ne peut s’exprimer qu’en pourcentage, que ce soit dans le monde anglophone, sinophone, francophone ou autres ! Il ne s’écrit jamais avec des simples nombres entiers ou décimaux. Ensuite, le débat ne portait pas sur la façon dont peut s’écrire les 25%, mais bien sur son affirmation selon laquelle les Etats Unis et la zone Euro avaient, pendant cette période de crise due à la guerre en Ukraine, relevé leur taux directeur à 25%, alors que cela n’est pas du tout vrai.  

Pas à la hauteur

En effet, si l’on considère la période où des pays d’Occident ont été secoués par la guerre en Ukraine, le taux le plus élevé pour la Réserve fédérale américaine – la banque centrale des Etats Unis, aussi appelée Fed – a été dans la fourchette de 5,25% et 5,5% à partir du 27 juillet 2023 (il est aujourd’hui dans la fourchette entre 4,75% et 5%). Dans la zone Euro, les taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (BCE), qui sont au nombre de trois, avaient été revus à la hausse de la sorte à compter du 27 juillet 2022 : taux d’intérêt des opérations principales de refinancement à 0,50 % (contre 0,00% avant), le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal à 0,75 % (il était à 0,25% auparavant) ; et le taux d’intérêt de la facilité de dépôt qui demeure inchangé à 0,00 %. C’est ce jeudi 17 octobre même qu’une décision de la BCE vient de tomber, annonçant la décision de l’Institut d’émission européen de fixer les taux d’intérêt de la facilité de dépôt, des opérations principales de refinancement et de la facilité de prêt marginal seront ramenés à respectivement 3,25 %, 3,40 % et 3,65 % à compter du 23 octobre 2024.

Tout bien considéré, le député Godé Mpoy serait un peu excusable s’il admettait avoir confondu taux d’intérêt et points de base. En langage financier, un point de base correspond à un centième de pourcentage (soit 0,01%). Ainsi, par exemple, si une banque centrale baisse, son taux directeur de 0,50 % à 0,25 %, on dira qu’elle l’a diminué de 25 points de base (soit 0,25 %). De la sorte, 1 point de base équivaut à 0,01 %, 10 points de base à 0,10 %, 50 à 0,50 %, 100 à 1 %, ainsi de suite.

Même là, le problème demeure : les points de base peuvent s’écrire en pourcentage. Par exemple : 75 points de base peuvent s’écrire 0,75%. Donc, ce n’est pas le taux de change de 75% qu’on peut écrire sous la forme 0,75 comme le dit Godé Mpoy qui a très clairement confondu points de base et taux directeur. Ensuite, même alors, de quels points de base voulait-il parler exactement étant donné qu’ils ne sont pas les mêmes à chaque hausse ou à chaque baisse du taux directeur de la Fed ? En effet, si on considère comme point de départ 2022, année où la crise consécutive à la guerre en Ukraine a commencé à se faire sentir, jusqu’à ce jour, il y a eu 10 variations du taux directeur de la Réserve fédérale américaine : 4 fois avec 75 points de base ; 4 fois également avec 25 des points de base ; une fois avec 50 points de base ; et une fois avec -25 points de base. Dans ces conditions, de quels points de base de 0,25 Godé Mpoy parlait-il ?

Evolution du taux directeur de la Réserve fédérale des Etats Unis de 2022 à 2024

Source : Forbes

Le moins que l’on puisse dire est que le député-professeur ordinaire Godé Mpoy n’a pas du tout été à la hauteur pour aborder avec la compétence voulue le débat sur la reddition des comptes. Il s’est emmêlé les pinceaux dans ses chiffres et ses notions d’économie monétaire, présentant finalement des affirmations totalement fausses, et édictant des principes qui sont parfaitement inexacts. Sa tentative de réexplication a fait pschitt. Pénible pour un professeur d’université de s’embrouiller à ce point sur des choses aussi simples.  

Belhar MBUYI