Au cours d’une plénière débutée mercredi 16 octobre et qui s’est finalement achevée le jeudi 17 octobre vers 03 heures du matin, l’Assemblée nationale a finalement adopté le projet de loi portant reddition des comptes 2023 ainsi que le projet de loi rectificative de la loi de finances exercice 2024, présentés respectivement par le ministre du Budget, Aimé Boji, et son collègue des Finances, Doudou Fwamba Linkunde. Mais, lors des débats ayant précédé cette double adoption, un débat houleux avait marqué la plénière. Et l’opposition, conduite par Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, a fait entendre sa voix de manière particulièrement retentissante.
Dans le rôle de l’artilleur : Charles Mwando Nsimba, dans ses habits du président du groupe parlementaire Ensemble. L’homme, ingénieur commercial formé à la prestigieuse université catholique de Louvain en Belgique, ancien cadre du groupe Unilever qui comprend notamment la Marsavco où il a été brand manager, avant d’être engagé comme directeur chez Synthexkin puis à la SNCC, a rejoint la politique active en 2006 quand il se fait élire député national à Lubumbashi. Il intègre ensuite le gouvernement provincial du gouverneur Moïse Katumbi où il assumera successivement les fonctions de ministre du Plan et Budget, puis des Finances. C’est donc un féru des questions économiques qui maîtrise son sujet.
«C’est avec indignation que j’ai parcouru le projet de loi de reddition des comptes 2023, qui révèle le mépris des lois de notre pays, et des détournements graves, comme l’atteste poliment le rapport général de la Cour des comptes», lance-t-il du haut de la tribune de l’Assemblée nationale, en liminaire. Avant de tonner carrément : «La loi sur les finances publiques a été bafouée, le budget 2023, voté par l’Assemblée nationale, a été superbement ignoré et jeté à la poubelle. Nous sommes devant un projet de loi de reddition des comptes qui n’a rien à voir avec le budget puisque le gouvernement sortant a fait fi de tout ce qui était dans ce budget».
L’élu de Moba au Tanganyika énumère alors les griefs qu’il retient contre le projet de loi de reddition des comptes : «les minima prévus en recettes n’ont pas été réalisés, et les dépenses ont été exécutées dans un désordre total, sans aucun respect ni de la loi, ni des priorités, ni de la chaîne de la dépense, ni des plafonds fixés». L’homme se veut alors précis, et cite des exemples à l’appui : «j’en veux pour preuve, le paiement de 51,2% des dépenses du budget, plus de la moitié des dépenses du budget 2023, exécutés sans que les structures habilitées ne constatent l’obligation de payer, sans que le ministère du budget ne vérifie la conformité des dossiers et l’exactitude des montants à payer. Ces dépenses en mode d’urgence sont effectués en dehors de la chaîne de la dépense, c’est-à-dire par des simples lettres du ministre des Finances au caissier de l’Etat, comme dans une véritable république bannière».
Un dépassement monstrueux de 53.458% !
Christian Mwando rappelle que la chaîne de la dépense a été mise en place avec comme objectif la surveillance des acteurs publics, afin de protéger l’argent de l’Etat. De sorte que la briser ‘‘n’a d’autres objectifs que de réaliser les détournements et de contourner les plafonds fixés dans le budget’’. Autre exemple précis : «le ministre des Finances a pu procéder au remboursement de la dette publique intérieure, par procédure d’urgence, pour la somme de 778 milliards de francs (385 millions de dollars américains au taux budgétaire 2023 de 2021,9 FC pour 1 dollar US, NDR), dont 451 milliards de francs (223 millions de dollars américains) de dettes commerciales non certifiées. Le paiement de la dette commerciale a été exécutée en dépassement de 504% de crédits alloués. Ceci aurait été impossible en respectant la chaîne de la dépense», dénonce Charles Mwando.
Le président du groupe parlementaire Ensemble soutient également que, au mépris des dispositions de la loi de finance publique, la consommation des crédits des institutions a dépassé les plafonds fixés par la loi de finance 2023, en commençant par le gouvernement, qui a payé plus de 196% de ses crédits, dénottant, selon l’orateur, une mégestion criante. A propos du non-respect des priorités, il note que c’est le ministère des Sports et Loisirs qui atteint le record des dépassements avec 659,59% de taux d’exécution des crédits, «ce qui démontre l’incohérence dans les priorités du pouvoir en place pour qui les loisirs sont la priorité», assène M. Mwando.
Avec la même fougue, l’homme relève une autre incongruité : pour une ligne aussi banale que ‘‘fournitures et petit matériel’’ pour le Service de contrôle de la paie des enseignants, le dépassement, monstrueux, atteint 53.458%, soit 342 milliards de francs (170 millions de dollars américains), contre des prévisions de l’ordre d’à peine 639 millions de francs (316.000 USD).
Enfin, Christian Mwando accuse le gouvernement d’avoir exécuté la loi de finance en oubliant les provinces et les entités décentralisés. En effet, la reddition des comptes révèle que l’exécutif national n’a transféré aux provinces que 30% de ce qui leur est dû pour le fonctionnement, et 0% pour les investissements. Et pour les entités territoriales décentralisées, c’est-à-dire les villes, les communes, les secteurs et chefferies, c’est également un zéro pointé : pas un franc ne leur a été rétrocédé. En foi de quoi, le leader du seul groupe parlementaire de l’opposition a appelé au rejet du projet de loi sur la reddition des comptes.
Belhar MBUYI