Une majorité au pouvoir se mesure à sa solidarité et à sa cohérence. Elle doit assumer collectivement les choix politiques et rester comptable de l’action conduite sous l’autorité du président de la République. Les querelles intestines entre ministres, transformées en luttes fratricides, minent cette cohérence et donnent l’image d’un gouvernement divisé. Le cas de Doudou Fwamba en est une illustration frappante : obsédé par le besoin de se faire valoir, il s’emploie à décrédibiliser les actions de son prédécesseur Nicolas Kazadi, au point de bloquer certains projets, dans l’unique but de se présenter comme le « véritable expert » des finances publiques.
Pourtant, la comparaison tourne en sa défaveur. Là où Kazadi peut faire valoir une solide carrière internationale – formé à l’ENA et à la Sorbonne, ancien de la Banque centrale, du PNUD et de la BAD –, l’expérience professionnelle de Fwamba se limite à un simple passé de fonctionnaire au ministère des Finances. Mais, une fois installé aux commandes en juin 2024, celui-ci s’est empressé de multiplier les critiques, notamment sur les dépenses en procédure d’urgence. Ironie du sort : c’est lui qui, aujourd’hui, bat tous les records dans ce domaine. Comme pour rappeler qu’« il est facile de parler, mais difficile de faire ».
Les chiffres qui accablent
Les états de suivi budgétaire publiés par la Direction des politiques et programmation budgétaire sont édifiants. Rien qu’au premier semestre 2025, 2 864 784 130 952 CDF – soit environ 1 milliard USD – ont été décaissés en procédure d’urgence. Parmi ces montants, 1 814 791 503 015 CDF ont servi au ministère de la Défense nationale. Les autres bénéficiaires sont les grandes institutions : la Présidence, la Primature, l’Intérieur, l’Assemblée nationale, le Sénat et les Affaires étrangères. À titre d’exemple, la Présidence a absorbé 688,8 milliards CDF (241 millions USD) pour l’achat de biens, le fonctionnement et les interventions de l’État. Le ministère de l’Intérieur a reçu 212 milliards CDF (74 millions USD), la Primature 79 milliards CDF (27 millions USD), l’Assemblée nationale 13,5 millions USD et le Sénat 529 000 USD.
Une indiscipline budgétaire chronique
Ces décaissements révèlent un problème structurel : l’indiscipline budgétaire. Le programme conclu avec le FMI prévoyait de plafonner les dépenses en procédure d’urgence à 8% du total des dépenses. Or, au 1er semestre 2025, les paiements ont déjà atteint 18%, soit 2 864 milliards CDF sur un total de 15 561 milliards CDF (5,4 milliards USD). En clair, Doudou Fwamba a plus que doublé la limite que le gouvernement s’était lui-même fixée. Pire encore, certaines institutions continuent de s’accaparer la part du lion, pendant que d’autres attendent vainement l’exécution de leurs crédits budgétaires.
Le ministère des Finances au banc des accusés
Le ministère des Finances, dirigé par Doudou Fwamba, illustre parfaitement cette dérive. À lui seul, il a géré près de 20% des dépenses exécutées au premier semestre 2025 : 1,068 milliard USD sur un total de 5,4 milliards. Parmi ces montants, 123 millions USD ont servi à rembourser la dette publique, 142 millions aux frais financiers, 71 millions aux dépenses de personnel, mais surtout 357 millions USD aux dépenses de prestations, contre une prévision annuelle de seulement 38,7 millions. Soit un taux d’exécution de… 939% ! Une explosion qui interroge sur l’usage réel de ces fonds.
Une gouvernance financière discréditée
Ces chiffres confirment une évidence : malgré les promesses, Doudou Fwamba n’a pas amélioré la gestion des finances publiques en RDC. La discipline budgétaire reste un vœu pieux, les institutions continuent de s’arroger des privilèges exorbitants, et les ministres se livrent à des règlements de comptes personnels. En fin de compte, la majorité n’apparaît ni solidaire ni cohérente, et encore moins crédible sur le plan de la gouvernance économique.
En définitive, le cas Doudou Fwamba, décidément champion des leçons mais recordman des excès, illustre l’un des travers récurrents de la gouvernance congolaise : la tentation de briller par la critique et l’ego plutôt que par la rigueur et les résultats. Les chiffres sont têtus et démontrent que, loin d’incarner la rupture qu’il prétendait, le ministre s’est enlisé dans des pratiques qu’il dénonçait, avec encore plus d’excès. Une majorité gouvernementale cohérente ne peut se bâtir sur des rivalités de personnes ou sur la vanité individuelle, mais sur une vision partagée et une discipline budgétaire ferme. Si le Congo veut restaurer la confiance de ses partenaires et de son peuple, il lui faudra passer de la politique du verbe à celle de l’exemple, où l’action prime sur la mise en scène personnelle.
Mbuta MAKIESSE







