C’est ce qui s’appelle être du bon côté de l’histoire ! L’ancien agent du gardiennage en France, Jean Marie Lukulasi Masamba, s’est fait élire député national lors des élections législatives de décembre 2018 dans le moule kabiliste. Juste après la proclamation de la victoire du candidat de l’UDPS à la présidentielle, il vire très vite au tshisekedisme. Depuis lors, il multiplie des fonctions et des rentrées financières qui font de lui, à ce jour, un homme atteint de plusieurs pathologies financières très critiques.
Il n’est pas le seul dans le pays, certes. Il est, d’ailleurs, loin d’être le mieux servi et rétribué du pouvoir actuel. Mais son cas est symptomatique du mal qui touche la plupart des dirigeants congolais : l’accumulation maladive des fonds, l’accaparement compulsif des ressources de l’Etat, au risque de piquer une crise boulimique généralisée. Déjà, comme député national, le salaire qui était à 4.200 dollars sous le régime de Joseph Kabila, est passé à 21.000 USD sous le régime actuel. C’est, de très loin, plus que les salaires des élus de même rang de pays les plus riches de la planète. Ce qui constitue, en soi, déjà, un vrai scandale. Mais, sur les rives du fleuve Congo, on s’en fiche éperdument.
En effet, à titre d’exemple, en France, septième puissance économique du monde, avec un PIB par habitant de 42.409 dollars américains, le salaire d’un député n’est que de 7.879 dollars bruts par mois. Une fois déduits les impôts et cotisations sociales, le député français touche 6.183 dollars US par mois. Il faut rappeler qu’en France, le SMIC, salaire minimum de croissance, c’est-à-dire le salaire horaire minimum légal en dessous duquel le salarié ne peut pas être rémunéré, est de 1.747 euros bruts. Donc, entre le travailleur qui touche le salaire le plus bas et le député français, la tension salariale est seulement de 4,5.
Hypertrophie financière
Ce rapport n’est pas guère différent en Belgique, un autre pays parmi les plus riches du monde, avec un PIB par habitant de 50.144 dollars américains, le salaire brut est de 9.144 dollars, pour un salaire net de 6.531 dollars. Ici aussi, le SMIC est de 2.128 dollars. Donc la tension entre les deux salaires est de 4,3.
Mais en RDC, l’un des cinq pays les plus pauvres du monde selon les statistiques de la Banque mondiale, le député touche 21.000 USD, et ne paie aucun impôt. Pendant ce temps, 62% de la population, soit plus de 60 millions de personnes vivent avec à peine 2 dollars par jour, et le SMIG – salaire minimum interprofessionnel garanti, équivalent du SMIC en France – n’est que de 184.000 francs congolais, soit, 92 dollars américains au taux budgétaire en cours, mais en réalité 76 dollars au taux de change actuel. La tension entre les deux salaires fait que le député touche 230 fois le salaire de l’agent le moins payé du pays !
C’est dans cette situation que se trouvait déjà Jean-Marie Lukulasi Masamba lorsqu’il a été nommé aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Institut national de préparation professionnel, INPP, le 15 novembre 2022. Et le barème salarial et avantages dévolus aux dirigeants de l’INPP signé le 3 août dernier par la ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance sociale, Mme Claudine Ndusi M’Kembe, a lourdement choqué l’opinion publique congolaise, qui a été scandalisée de voir s’aggraver l’hypertension salariale de M. Lukulasi, avec un pactole supplémentaire mensuel de 31.600 USD. Ce qui porte son net à percevoir à 52.600 USD. Déjà, le même Lukulasi souffrait depuis son adhésion à l’Union sacrée, d’une grave hypertrophie financière avec sa fondation G24, à laquelle le gouvernement accorde, selon notre confrère Exclusifrdc.com, 400.000 dollars américains annuels, soi-disant pour s’occuper des jeunes brigands communément appelés ‘‘kuluna’’ à Kinshasa.
Pendant que les dirigeants s’en mettent plein le ventre, au point d’étouffer littéralement sous le poids de sous qui leur passent par l’œsophage, les fonctionnaires, eux, ont vu leurs maigres salaires amputés de 15% de l’IPR – impôt professionnel sur le revenu – réduisant du coup leurs si décharnés et squelettiques revenus.
Rica MITSH