Vital Kamerhe et Modeste Bahati. |Photo : Droits tiers
Les récents arrêts de la Cour constitutionnelle sur le contentieux des élections des députés nationaux ont fait une grosse victime : Modeste Bahati Lukwebo. Après la publication des résultats provisoires des législatives nationales par la CENI, son regroupement A-AFDC affichait 36 élus – une contre-performance, comparé à ses 42 élus de la législature passée –, mais cela faisait de lui la deuxième force de la majorité après l’UDPS. Si, par stratégie, il se faisait discret sur ses ambitions, l’homme, un ex-mobutiste du cru, lorgnait goulûment sur une responsabilité en tant que chef de corps : la primature, ou, à tout le moins, la présidence de l’Assemblée nationale.
Problème, il avait en face un autre monstre sacré du landerneau politique congolais, originaire comme lui de la province du Sud Kivu et de la même communauté des Bashi : Vital Kamerhe lwa Kanyingini Nkingi, qui affiche alors 35 élus au compteur. Avec un point d’écart, le match n’en était que plus âpre. Des sournoises campagnes de presse sont alors orchestrées contre le patron de l’UNC, présenté sous mille coutures les moins favorables possibles.
Puis sont arrivés les arrêts de la Cour constitutionnelle en contentieux des législatives nationales. L’A-AFDC a été outrageusement déplumée, comme un poulet mouillé à l’eau chaude : de 36 élus, elle est descendue à 27, après avoir perdu neuf sièges tenus jusque-là par de braves fraudeurs impénitents issus de ses rangs. Parmi eux – et c’est une cerise sur le gâteau – le propre fils de Modeste Bahati Lukwebo, Serge Bahati, qui avait postulé dans le territoire d’origine de la famille de Kabare au Sud Kivu. Le voilà balayé du bureau d’âge dont il était l’un des deux benjamins. La chute est vertigineuse, et Modeste Bahati est pris par le tournis.
Du coup, c’est le bloc kamerhiste – les regroupements U-UNC et AVK-2018 – qui a gardé intacts ses 35 élus, qui fait désormais office de deuxième force de la majorité. Il est suivi par AAAP, le regroupement du cousin du chef de l’Etat Tony Kanku. Et l’A-AFDC de Bahati ? «Relégué au fond du couloir, à la quatrième place», s’amuse un journaliste de Kinshasa. Comment va se faire la répartition des responsabilités désormais ? «Certains congolais, peu au fait du fonctionnement d’un pays démocratique, et qui houspillent les partenaires du chef de l’Etat à la moindre expression, réelle ou supposée, s’imaginent que les principaux dirigeants du pays tombent du ciel, ajoute le journaliste. Non, ce sont des gens qui s’imposent par leur rôle dans l’élection du président de la République et, surtout, de leur poids politique au sein de la coalition majoritaire».
Deuxième personnage de l’Etat
L’informateur nommé par le chef de l’Etat, Augustin Kabuya Tshilumba, ayant déclaré que Félix Tshisekedi tenait à nommer un Premier ministre issu de son parti UDPS, il reste sous la main l’Assemblée nationale pour les partenaires, vu que le Sénat n’est pas encore constitué. C’est donc vers le perchoir de la chambre basse du Parlement que tous les regards se tournent. Le président de la République peut-il, au risque de mécontenter fortement ses partenaires, tout prendre ? «Cela est très peu probable. Une juste répartition des responsabilités fait partie de l’ADN politique de Félix Tshisekedi, note un observateur. C’est cette manière de fonctionner qui lui avait permis de reconfigurer la majorité en sa faveur en 2021».
Alors, qui pour diriger le bureau de l’Assemblée nationale et devenir, du coup, le deuxième personnage de l’Etat ? Vital Kamerhe fait désormais figure de favori. Pour plusieurs raisons. La première, et la principale : il est à la tête de la deuxième force politique et peut légitimement prétendre à la fonction. La deuxième : il a les compétences pour la fonction, pour l’avoir exercée entre 2007 et 2009, et il est considéré à ce jour comme le meilleur président de l’Assemblée nationale par tous les observateurs avertis. En 2009, un vote populaire organisé pendant un mois par Afrika TV dans le cadre de l’émission ‘‘Diplôme d’honneur’’ pendant laquelle le public votait en direct, l’avait plébiscité comme le meilleur député du pays.
A l’époque, Vital Kamerhe avait comme questeur de son bureau un certain … Modeste Bahati Lukwebo. Après le départ forcé du bureau Kamerhe, alors que Kabila avait décidé qu’aucun membre du bureau sortant ne postule à nouveau, Bahati Lukwebo s’était pitoyablement accroché à son poste, suscitant la pitié de tous, et l’ire de Tryphon Kin-Kiey qui voulait le remplacer au nom de leur groupe parlementaire des élus indépendants. Kabila dut l’en dégager quasi militairement en imposant un candidat d’un autre groupe parlementaire. Kin-Kiey s’arracha les cheveux.
Il reste donc à attendre l’évolution politique au Palais du peuple les jours prochains. Dans tous les cas, le patron de l’UNC et député national de Bukavu part avec les faveurs des pronostics pour devenir le prochain speaker de la chambre basse du Parlement. Et Modeste Bahati a mille chances de se retrouver réduit à un simple soldat de rang dans les institutions à venir.
MULOPWE wa ku DEMBA