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Le Collectif contre le racisme accuse Charles Onana de briser la Cohésion Nationale et interpelle le Gouvernement

Le mardi 19 mars, le Collectif contre le racisme et les discours de haine a organisé une conférence de presse pour dénoncer le message que véhicule Charles Onana lors de sa tournée à Kinshasa. L’événement a eu lieu pour cadre la salle père Beeckmans du centre catholique CEPAS à Kinshasa Gombe. Le polémiste franco-camerounais a organisé une série de conférences dans des universités et instituts supérieurs de la capitale congolaise. Pour le Collectif, sous des dehors honorables d’une mobilisation patriotique en période de guerre, M. Onana répand en réalité la haine contre la minorité Tutsi congolaise à laquelle il dénie sa citoyenneté et qu’il accuse de tous les maux. Le Collectif interpelle le gouvernement congolais contre celui qu’il qualifie de «propagateur patenté de la haine», et rappelle l’appel du président de la République Félix Tshisekedi à réprimer tout discours de haine à l’encontre des congolais Tutsi de l’Est.

Ci-après, le texte de la conférence de presse du Collectif contre le racisme et les discours de haine.

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Monsieur Charles Onana est en séjour à Kinshasa pour animer une série de conférences dans les institutions d’enseignement supérieur de la capitale congolaise. Il a tenu sa première conférence le samedi 16 mars à l’Université de Kinshasa à grand renfort de publicité. Connaissant la rhétorique violemment raciste ce polémiste mis en examen par la justice de son deuxième pays, la France, pour incitation à la haine raciale, va exacerber la haine ethnique, le rejet de l’autre et la légitimation de la remise en cause de la citoyenneté congolaise dont les membres de la minorité Tutsi congolaise sont déjà victimes depuis plusieurs années, et qui se sont amplifiés ces dernières années.

Ne nous voilons pas la face : la RDC traverse actuellement une situation semblable à celle de la France anti-Dreyfusarde de la fin du XIXème siècle où la haine des Juifs était un sentiment largement partagé et était même considéré comme le reflet du nationalisme. Déjà présente dans le pays après avoir été ressassée mille et une fois des décennies durant par Monsieur Honoré NGBANDA et ses suivants dans l’impunité générale, la haine des Tutsi a atteint des sommets en RDC actuellement. Avec la guerre actuelle du mouvement rebelle M23 soutenu par le Rwanda, beaucoup développent un culte de la nation qu’ils estiment incompatible avec la présence sur le sol congolais d’une communauté minoritaire considérée, à tort, comme étrangère à l’identité congolaise. Contre cette vision étriquée de la nationalité empreinte de haine et d’exclusion, nous promouvons, pour notre part, une citoyenneté républicaine, une ouverture de la société sur ses fondements historiques, en incluant toutes ses composantes comme l’ont voulu ceux qui furent à l’origine de la création de ce merveilleux pays que nous appelons aujourd’hui : République Démocratique du Congo.

Le Président de la République, Son Excellence Monsieur Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, reconnaît bel et bien l’existence et l’ampleur des discours de haine contre les Congolais Tutsi qu’il a condamnés à plusieurs reprises. Il a, d’ailleurs et de façon solennelle, demandé à tout le monde, y compris les partenaires extérieurs, de les dénoncer. Il avait ainsi déclaré dans son discours au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, à Genève, le 28 février 2023 : «Quant aux discours de haine contre nos compatriotes Tutsi congolais, mon Gouvernement reste ferme contre tout individu ou groupe d’individus qui tiendrait de tels discours, et réitère sa demande à toute personne, organisation ou partenaire extérieurs, de les dénoncer. La justice congolaise appliquera dans toute sa rigueur les Lois de la République aux auteurs des propos d’incitation à la haine tribale et ethnique».  

Dans ces conditions, à quoi rime l’invitation du diffuseur patenté de la haine anti-Tutsi dans le pays ? Qui a supporté cette tournée ? Et pourquoi le Gouvernement Congolais laisse faire sur le territoire un propagateur de la haine, poursuivi dans son propre pays pour incitation à la haine raciale, et qui va continuer impunément à briser davantage la cohésion nationale avec ses discours sulfureux ?

En effet, la série de conférences de Charles Onana tournent autour de son dernier livre, Holocauste au Congo. Ce livre, nous l’avons démontré à plusieurs reprises, est un véritable bréviaire de la détestation des Tutsi, une Bible de la haine pour ceux qui ont fait de l’animosité à l’égard des Tutsi leur religion.

En effet, le livre de M. Onana est structuré autour de trois thèses, à savoir le déni de la nationalité congolaise des Banyamulenge qui sont ainsi présentés comme des dangereux usurpateurs de la citoyenneté de la RDC ; l’imputation de manière globale de tous les crimes commis au Congo aux Banyamulenge et à leurs soutiens rwandais ; l’accusation des Banyamulenge d’être les auteurs d’un complot visant à détruire le Congo. Ces accusations ne reposent sur aucun argument sérieux de la part de l’auteur, et sont la conséquence d’un concentré de mensonges, de l’ignorance et de la volonté de manipulation de la part M. Onana.

I. Le déni de la nationalité des Tutsi congolais et Banyamulenge

1. «Tout commence en 1971 lorsque le président Mobutu signe l’ordonnance-loi n°71/020 du 20 mars 1971 ainsi libellé : «Les personnes originaires du RwandaUrundi établies au Congo à la date du 30 juin 1960 sont réputées avoir la nationalité zaïroise à la date susdite». Ce texte devient immédiatement l’acte fondateur du droit à la nationalité accordé aux réfugiés originaires du Rwanda et du Burundi au Zaïre. Il faut rappeler qu’il y avait des Hutu et des Tutsi venus du Rwanda et du Burundi à cette période-là au Zaïre. C’est ainsi que ceux qui se font appeler ‘‘Banyamulenge’’ (Tutsi venus du Rwanda ou du Burundi) vont obtenir massivement la nationalité zaïroise». (P. 246).

2. «Le constat de ces derniers est, dès 1994, sans appel : « Les Banyamulenge constituent un volcan en activité sur lequel est assis le peuple zaïrois et attendu que tout autochtone ne les accepte pas comme Zaïrois car ne s’étant jamais comportés comme Zaïrois, sauf pour les naïfs et leurs complices, il est impératif et nationaliste de leur retirer la qualité de Zaïrois qu’ils se sont appropriés». (Page 261).

De la nationalité congolaise d’origine des Congolais Tutsi

Il devient même écœurant de voir que, jusqu’en 2024, c’est-à-dire en plein 21ème siècle, la RDC passe son temps dans ce débat de bas étage, et est ainsi le seul pays au monde qui s’empoigne contre tout bon sens des décennies durant sur la 3 citoyenneté d’une partie de ses citoyens dans le but de les exclure de la nation commune !

Ici, contrairement aux affirmations mensongères de Charles Onana et d’autres extrémistes qui partagent ses faussetés, nous appelons le peuple congolais à se hisser au niveau de son ambition de grandeur, en se rappelant deux réalités majeures dans la gestion de la question nationalité: d’abord, en cas de succession d’Etat (c’est le cas lorsque l’ancienne colonie du Congo belge devient un pays indépendant), l’Etat successeur, c’est-à-dire la RDC) hérite de l’Etat prédécesseur (la colonie du Congo belge) tout son territoire, toute sa population, ainsi que son passif et actif économiques. Ensuite, le principe d’intangibilité des frontières héritées de la colonisation implique également l’intangibilité des populations héritées de la colonisation.

D’où la question : quel esprit normal et équilibré peut se permettre de remettre en cause l’appartenance au Congo belge en tant que sujets belges de statut congolais, des populations Banyamulenge, Tutsi et Hutu, dans leurs différentes catégories, à savoir : les Hutu et Tutsi autochtones de Rutshuru au Nord Kivu, les Hutu et Tutsi descendants des transplantés de Masisi au Nord Kivu, ainsi que les Banyamulenge, autochtones de Fizi, Uvira et Mwenga au Sud Kivu ?

Concernant les Hutu et Tutsi autochtones de Rutshuru, nous pouvons citer quelques documents de l’époque qui établissent sans la moindre possibilité de doute, quelles populations habitaient cet espace lors de l’arrivée des colonisateurs. Citons à titre d’exemples. Au terme de trois ans (1904-1906) de récolte des données sur les mœurs des habitants de la région des volcans, le Lieutenant G. Vervloet écrit au sujet des groupements de Busanza et Jomba :

«… la population (….) est beaucoup plus dense chez les Bahutu entourant immédiatement les volcans. Alors que ces derniers subissent plus directement l’influence (politique) des Watuzi, ils sont groupés en assez gros villages. Les champs s’étendent fort loin sur les flancs des montagnes (…). Les haricots, les petits pois et le ricin sont remisés dans de gros paniers cylindriques de 1m50 de hauteur sur 70 à 80 cm de large, le sorgho et l’éleusine non décortiqués stockés dans des greniers plus larges et enfin des patates douces[1]».

De même, le Commandant Bastian, premier Commissaire du Territoire de la RusiziKivu, écrivait ceci à propos de Jomba :

«Cette région est très peuplée d’anciens sujets du sultan du Rwanda et à leur tête se trouve le Chef Tchicilongo (lire Nshizirungu). Le bétail est dans cette région très abondant et soigné par les Watuzi, tandis que les Wahutu dépendant de ceux-ci se livrent à une agriculture intensive sur les flancs et à la base des montagnes. En somme, un pays très riche et qu’il me paraît avantageux de chercher à conserver[2]».

Et à propos des Banyamulenge du Sud Kivu, nous pouvons citer ces témoignages écrits in tempore non suspecto par des anthropologues, ethnographes et géographes pendant la colonisation à un moment où ils ne pouvaient pas imaginer que, dans le futur, il y aura un jour quelques extrémistes pour remettre en cause la nationalité congolaise de ces congolais :

«Au cours du xixe siècle, avant l’arrivée des Européens dans cette partie de l’Afrique centrale, un groupe de pasteurs de la caste Tutsi quitta, pour des raisons politiques semble-t-il, le royaume (aujourd’hui république) du Rwanda et alla s’établir sur les hauts plateaux de l’Itombwe, au cœur de la chaîne montagneuse qui borde à l’Ouest la dépression où s’alignent, du Nord au Sud, sur le lac Kivu, la vallée de la Ruzizi et le lac Tanganyika (Maquet et Hiernaux-L’Hoëst, 1955)» (Hiernaux Jean. Note sur les Tutsi de l’Itombwe. [La position anthropologique d’une population émigrée.]. In: Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, XI° Série. Tome 7 fascicule 4, 1965. p. 361.)

«Peu avant 1900, quelques familles de pasteurs Tutsi, fuyant le Ruanda, traversèrent la Ruzizi, pénétrèrent au Congo belge et se fixèrent en premier lieu à Lemera, dans la chefferie des Fulero ; les descendants de ces émigrés gagnèrent la chefferie des Vira et y fondèrent les villages de Galye, Munanira, Kishembwe et Kalonge-Kataka, audessus des derniers villages Vira. (…) Les descendants de ces émigrés gagnèrent la chefferie des Vira et y fondèrent les villages de Galye, Munanira, Kishembwe et Kalonge-Kataka, au-dessus des derniers villages Vira. L’immigration des Ruanda ne donna pas lieu à des réactions hostiles de la part des Vira parce qu’elle se localisa en dehors des terres occupées par ceux-ci (i). Dès leur arrivée, les Ruanda ont, en effet, orienté leur activité pastorale vers le plateau, en dehors du champ d’intérêt de l’agriculture vira ; ils y ont dispersé les gardiens chargés de leur immense troupeau — 11.000 têtes de bovins actuellement — et poussé quelques familles jusque dans la région de Luemba, soixante kilomètres au sud-ouest d’Uvira, largement au-delà de la limite de la chefferie, mais toujours dans des zones auparavant inoccupées» (G. Weis, Le pays d’Uvira. Etude de géographie régionale sur la bordure occidentale du lac Tanganika, Académie royale des sciences coloniales, 1959, p. 148).

Nous pouvons également citer R. Loons, administrateur du territoire des Bafulero (actuel territoire d’Uvira), qui a publié une étude en mars 1933, et qui reconnait l’existence parmi les peuples de son territoire, des «fractions Banyarwanda» qu’il qualifie de «Watutsi nomades». Il écrit qu’ils «abandonnèrent leur milieu d’origine pour échapper aux cruautés de leur roi Kahindiro». Ils étaient conduits par Bigimba, père de Kaila (Kayira), et s’installèrent sur les terres de Mulenge-haute Sange pour  leur installation et le pâturage de leurs nombreuses bêtes. «Ce n’est qu’à la mort de leur chef Bigimba qu’ils s’éparpillèrent dans toute l’étendue du territoire, voire dans l’Ubembe, choisissant les endroits les plus reculés et les plus inaccessibles pour échapper aux prestations de toute nature[3]». Or, le roi Yuhi IV Gahindiro dont question avait régné entre 1746 et 1802[4]. C’est donc pendant cette période que beaucoup des Banyamulenge ont quitté le Royaume du Rwanda ancien et d’autres le Royaume du Burundi de l’époque pour s’installer sur leurs terres actuelles, longtemps avant la création du Congo.

Plus récemment, des éminents chercheurs de l’Université d’Anvers dont quatre belges et deux congolais non Banyamulenge ont eu le mérite, en 1996, dans une publication de l’Université d’Anvers, in Conflit au Kivu : Antécédents et enjeux, sous la direction des professeurs Filip Rentjens et Stephane Marysse décembre 1996, p. 15, dit ceci : Au Sud-Kivu, la situation est quelque peu différente. Celui-ci est subdivisé en entités administratives dont les frontières coïncident plus ou moins avec celles des collectivités ethniques (Bavira, Bafulero, …). Seuls les Tutsi Banyamulenge n’ont pas de collectivité propre. Si certains décrets ont, dans le passé, accordé aux Tutsi Banyamulenge une entité administrative (6 octobre 1891, 3 juin 1906, 2 mai 1910), le décret du 5 décembre 1933 supprima cette autonomie se situe dans le cadre de la politique de suppression des petites chefferies inaugurée par la circulaire du groupe Tutsi. Cette décision est apparemment purement administrative, puisqu’elle se situe dans le cadre de la politique de suppression des petites chefferies inaugurée par la circulaire du 8 novembre 1920 du Ministre L. Franck.

A titre d’exemple, les Banyamulenge ont toujours fait partie de l’administration coutumière de leurs territoires respectifs depuis la colonisation. A titre d’exemple, l’arrêté portant création du secteur de Tanganyika du 16 août 1937 dont l’annexe reprend les noms des chefs des villages Banyamulenge (aux côtés des chefs Bembe), notamment Mr Lutambwe, du village Lulimba dans le groupement Basimuniaka ; Mr Moasha (Muhasha) du village Kungwe dans le groupement Balala ; et Sebasasa (Sebasaza) du village de Kabungu dans le groupement de Basimukuma. Cet arrêté fut signé à Constermansville (Bukavu aujourd’hui) le 06 Août 1937 par le Chef de la Province, Mr J. Noirot. Sérieusement, pouvait-on confier la gestion d’entités locales à des étrangers ?

II. L’imputation aux Banyamulenge de manière globale de tous les crimes commis au Congo depuis 1996

Charles Onana écrit :

1. « Dans ce pays, la défense des droits des Tutsis ou Banyamulenge s’exprime et passe en général par les massacres de masse, les viols de femmes, les coups de pilon sur les bébés enfoncés dans les mortiers et l’extermination à l’arme lourde. » (page 314)

2. « Comment comprendre que plus les Banyamulenge obtiennent des avantages et des nominations au niveau le plus élevé de l’armée, du 6 Gouvernement et même du Parlement, plus ils combattent les institutions congolaises, complotent contre l’Etat, massacrent et terrorisent les populations ? » (Page 320).

La vérité est que, depuis 1993, de nombreux groupes armés pullulent à l’Est du pays (ils sont officiellement 266 aujourd’hui selon le gouvernement congolais), la grande majorité sont congolais, et 14 (dont FDLR, ADF, RED-TABARA, FNL etc.) sont étrangers. Tous rivalisent d’atrocités et causent d’indicibles souffrances aux populations civiles. Onana n’en parle pas du tout. Pour lui, il n’y a qu’un seul responsable : le Tutsi, qu’il soit étranger ou congolais comme les Banyamulenge.

Onana ne pipe mot sur les FLDR, la milice rwandaise composée d’anciens génocidaires, auteurs de nombreux massacres : voire ‘‘RDC :plus de cent civils tués par les rebelles rwandais’’ [5]; ou encore : ‘‘RDC : Une embuscade dans le parc fait 17 morts’’[6]. Onana ne dit mot sur les différents groupes armés de l’Est du Congo, comme les Maï-Maï Mazembe qui massacrent les Hutu congolais, voir ‘‘RD Congo : 25 civils Hutu décapités à la machette dans une attaque à caractère ethnique’’[7] ; le groupe armé Nyatura qui cible les Nande, voir ‘‘Est de la RDC : huit morts dans une attaque de miliciens hutu contre une école’’, et bien d’autres encore.

La province de l’Ituri est, avec le territoire de Beni au Nord Kivu, le souffre-douleur de la République. Pour ne prendre que les événements les plus récents, nous pouvons citer : le 16 février 2024, 15 personnes ont été enterrées vivantes à Tali-Singo en territoire de Djugu, dans la province de l’Ituri, par la milice de la CODECO[8]. Leurs funérailles ont eu lieu le 1er mars dernier, et des notables de la communauté Hema ont même traduit l’Etat congolais en justice pour complicité dans ce crime[9].

Déjà en janvier 2020, l’ONU parlait d’un possible génocide en Ituri (Voir : RDC : plus de 700 morts, l’ONU l’ONU évoque des possibles crimes contre l’humanité ou un génocide[10]. Depuis lors, la situation n’a pas changé. En janvier 2023, l’ONU se faisait l’écho de «plus de 200 civils ont été tués au cours des six dernières semaines en Ituri dans une série d’attaques menées par des groupes armés non étatiques, qui ont également détruit 2.000 maisons et fermé ou démoli 80 écoles[11]». Ou encore : «RDC : plus de 150 morts en deux semaines en Ituri, selon l’ONU[12]». Auteurs présumés de tous ces crimes : les miliciens de la CODECO, d’ethnie Lendu.

Quant au territoire de Beni au Nord Kivu autant que celui de Djugu en Ituri, ils sont victimes de la folie furieuse des ADF, un mouvement islamiste ougandais ayant fait allégeance à l’Etat islamique. Selon un rapport, ils auraient fait 15.000 morts ces 15 dernières années (voir : RDC : plus de 15.000 civils massacrés ces quinze dernières années au Nord Kivu et en Ituri[13]). Tout ça, M. Onana ne le voit pas, car il n’a qu’une fixation : le Tutsi !

Bien entendu, certains ressortissants de cette communauté, comme d’autres congolais qui ont participé aux différentes rébellions, ont leur part de responsabilité dans les crimes auxquels ils auraient participé individuellement. Cependant, prétendre rendre une seule communauté globalement responsable de tous les crimes que le pays a connus est un grossier mensonge, et une volonté claire de semer la haine pour pousser le reste des Congolais à exterminer un groupe ethnique cible. Qui prendrait cette responsabilité lourde de conséquences ? Au nom de la justice, le moment venu, chacun, sans engager sa communauté, espérons-le, rendra compte pour les crimes qu’il a commis.

III. l’accusation des Banyamulenge d’être les auteurs d’un complot visant à détruire le Congo

Charles Onana écrit :

1. « La menace des Banyamulenge en 1981 est donc sans équivoque puisqu’ils disent vouloir agir « quelles qu’en soient les conséquences » pour obtenir satisfaction. Le point le plus important de leur revendication n’est plus seulement la nationalité mais l’autodétermination sur les territoires de Goma, Rutshiru, Walikale, Masisi, Kalehe et Idjwi, pour la création d’un Etat à part qui aura à solliciter sa reconnaissance internationale » (Pages 275-276).

2. « Le masque des Banyamulenge tombe donc avec cette phrase et cette lettre. Ils se battent non pas pour être Zaïrois ou Congolais mais pour avoir un Etat indépendant au Kivu, ce qui correspond soit à la volonté le plan de balkanisation du Congo souhaité par certaines grandes puissances, soit à concrétiser le projet de colonisation du Kivu établi par des Tutsis en 1962 et qui confirmerait l’effectivité du projet de création d’un Tutsiland dans la région des Grands Lacs et en Afrique centrale. » (276).

Ici, Charles Onana se base, avec une légèreté déconcertante, sur deux faux documents : le premier est un prétendu compte-rendu d’une soi-disant réunion des Tutsi qui se serait tenu à Nyamitaba le 6 août 1962 pour édicter des mesures pratiques 8 afin de dominer le reste des Congolais. M.Onana détaille ce document dans son livre intitulé «Des tueurs Tutsi au cœur de la tragédie congolaise», à partir de la page 96. Il s’agit d’une pâle copie des Protocoles des sages de Sion, un faux rédigé par des manipulateurs pour semer la haine contre les Juifs dans l’Europe du début du vingtième siècle. Pendant le régime du maréchal Mobutu, le journal Le Soft, proche du régime, avait publié sur deux pages pleines, en le soutenant subrepticement, un document soi-disant émanant du noyau dur de l’UDPS composé des Baluba du Kasaï. Ni daté, ni signé, ce tract, que le journal qualifia de Programme type «petit livre rouge» pour un combat politique sans pitié, était présenté comme un compte-rendu des engagements que les Baluba auraient pris eux-mêmes au cours des réunions secrètes afin de s’assurer une domination sans partage du Zaïre. Au fait, quel imbécile peut vraiment croire que des gens normaux (Juifs, Tutsi, Baluba…) peuvent vraiment se réunir et mettre par écrit un plan par lequel ils entendent dominer les autres peuples qui les entourent ?

Ces genres des documents, qui ressortent de théories du complot, inondent les réseaux sociaux aujourd’hui et constituent des intox que le monde combat à cause des torts qu’ils causent à l’humanité.

Le second document sur lequel se base M. Onana est une fausse lettre qui n’a jamais existé, et dont aucune personne dont les noms apparaissent parmi les signataires n’a jamais vécu nulle part !

Bref, c’est cela le discours que Charles Onana est venu répandre dans le pays, et les autorités semblent donner l’impression d’acquiescer en laissant faire, alors qu’il sème les graines d’une haine viscérale qui appui les discours d’autres extrémistes et qui font des dégâts énormes au pays depuis plusieurs années, et si on n’y prend pas garde, ce discours conduit le pays directement vers un avenir sombre. Nous craignons que la graine de la haine que M. Onana vient de ressemer dans notre jeunesse ne se transforme en une bombe à retardement dans notre pays, et ne nuise durablement à la cohésion nationale.

En ces temps de la guerre d’agression, nous en appelons à tous pour le soutien au gouvernement et à nos forces armées. Seule la cohésion nationale nous permettra de faire face à toutes les menaces à la nation. Malheureusement, Onana fait le jeu de l’ennemi et se pose comme son allié objectif et stratégique.

Fait à Kinshasa, le 19 mars 2024

1. Basile DIATEZWA

2. Enock SEBINEZA

3. Belhar MBUYI

4. Thomas GAMAKOLO  

5. Bill MOKELWA


[1] Vervloet, G., Aux sources du Nil. Dans la région des volcans, du Lac Albert-Edouard et du Ruwenzori. Zone de la Rutshuru-Beni, Congo Belge, in Bulletin de la Société Royale Belge de Géographie, vol. 34, n°4, 1910, p. 119

[2] Commandant Bastian, Lettre à Monsieur le Ministre des Colonies datée de Mtoto ya Mongo le 23 avril 1911. Dossier AE 346 (281) : Règlement des frontières avec le Royaume-Uni. Archives Africaines de Bruxelles. Ministère des Affaires Etrangères du Royaume de Belgique

[3] Loons,R., Etude sur le territoire des Bafulero, le 3 mars 1933

[4] Mgr Alexis Kagame, Un abrégé de l’ethno-histoire du Rwanda de 1853 à 1972,Tome premier, Butare, Editions Universitaires du Rwanda, Coll. « Muntu », 1972, p. 169

[5] RDC : plus de cent civils tués par les rebelles rwandais, sur : https://www.hrw.org/fr/news/2009/02/13/rd-congo-plus-de-centcivils-massacres-par-les-rebelles-rwandais

[6] https://www.france24.com/fr/20200424-rd-congo-uneembuscade-dans-le-parc-des-virunga-fait-17-morts

[7] https://www.leparisien.fr/international/rd-congo-25-civils-hutus-decapites-a-lamachette-dans-une-attaque-a-caractere-ethnique-18-02-2017-6692286.php

[8] https://actu7.cd/2024/03/01/ituri-les-activites-paralysees-a-bunia-suite-alenterrement-des-personnes-tuees-a-tali-singo/

[9] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240303-rdc-plainte-contre-l-etat-apr%C3%A8s-lemassacre-de-djugu-en-ituri

[10] https://www.aa.com.tr/fr/afrique/rdc-plus-de-700-morts-en-ituri-lonu-%C3%A9voque-des-possibles-crimes-contre-l-humanit%C3%A9-ou-ung%C3%A9nocide-/1698852

[11] RDC : des centaines de morts et des centaines de milliers de déplacés dans des attaques dans l’Est, sur : https://news.un.org/fr/story/2023/01/1131622#:~:text=Plus%20de%20200%20civil 7 s%20ont,ferm%C3%A9%20ou%20d%C3%A9moli%2080%20%C3%A9coles.

[12] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/04/19/rdc-plus-de-150-morts-en-deuxsemaines-en-ituri-selon-l-onu_6170145_3212.html

[13] https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220524-rdc-plusde-15-000-civils-massacr%C3%A9s-ces-15-derni%C3%A8res-ann%C3%A9es-aunord%E2%80%93kivu-et-en-ituri