Vue du gouvernorat de la province du Kongo central |Photo : Tropik’Images Production
L’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs a été fixée au 28 avril prochain par la CENI. Depuis lors, c’est le branle-bas de combat dans les états-majors politiques, où chacun – partis et regroupements politiques et les indépendants – peaufine ses stratégies pour remporter la bataille de la gestion des provinces. Conçu sur le modèle ‘‘largement décentralisé’’, le pouvoir provincial est l’un des deux paliers du système institutionnel congolais. Si, pour contre la charge émotive qu’il charrie alors au sortir de la guerre de 1998-2003, le constituant de l’après-Sun City n’a pas voulu écrire le mot ‘‘fédéralisme’’, c’est tout comme : la constitution consacre bel et bien un système en tous points semblable au système fédéral, avec des assemblées provinciales, qui représentent le pouvoir législatif, et dont émanent des pouvoirs exécutifs, les gouvernements provinciaux dirigés par des gouverneurs.
Malheureusement, dès la première législature, celle de 2006, avec l’élection des premiers gouverneurs début 2007, des tares qui collent à la peau des Congolais se sont invitées dans le champ politique : la corruption, l’influence des chefs de partis, et la pression et la manipulation du pouvoir central. Depuis lors, ce sont ceux qui savent mieux mouiller la barbe des députés provinciaux qui parviennent à remporter la mise. Au point que les élections – la voix du peuple dans une démocratie – ne comptent que pour des prunes, voire pas du tout. L’opinion a toujours en mémoire le cas trop flagrant du MLC qui avait remporté la majorité à l’assemblée provinciale de Kinshasa avec 22 élus sur les 44, mais dont le candidat, Adam Bombole Intole, s’était fait coiffer au poteau par André Kimbuta Yango dont le parti, le PPRD, honni par le peuple de la capitale, n’avait en tout et pour tout, que 7 députés.
Réflexion
C’est le refus par la population des gouverneurs ‘‘élus’’ dans ce contexte qui avait causé la révolte populaire au Kongo central, réprimée dans un torrent de sang par le régime de Joseph Kabila. Cette affaire ‘‘Bundu dia Kongo’’ qui, à son tour, sera à la base de l’assassinat du défenseur des droits de l’Homme Floribert Chebeya Bahizire.
Alors, à l’approche des élections des gouverneurs, que faire pour éviter ce spectacle ahurissant ? Faut-il repartir sur les mêmes bases ? En 2019, le chef de l’Etat avait condamné la corruption qui avait entaché l’élection des gouverneurs, mais aussi de sénateurs, et avait même lancé un appel à un brainstorming général afin de réfléchir sur le meilleur modèle qui permette de faire élire des dirigeants politiques au second degré en respectant les principes démocratiques.
Répondant à cet appel, un observateur congolais, qui a requis l’anonymat, s’invite à la réflexion pour proposer une nouvelle piste d’action dans le processus de désignation des nouveaux Gouverneurs des provinces. Ce compatriote, expert en gouvernance, propose que ce processus soit libéré de l’emprise des autorités morales pour privilégier la compétence et la responsabilité des députés provinciaux qui, du reste, en ont la prérogative constitutionnelle.
Des primaires
Convaincu que le développement de la RDC passe incontournablement par la territoriale (provinces et entités locales), cet expert suggère donc « aux acteurs politiques d’organiser les primaires d’abord avec les Députés provinciaux sans influence aucune ». Cette démarche vise, selon son analyse, à « retenir le candidat Gouverneur qui traduit la volonté des députés provinciaux, ceux qui ont effectivement le mandat du peuple ».
Cette étape des primaires pourrait être suivie par l’implication des Autorités morales (chefs des partis et regroupements politiques). C’est à cette étape, pense l’expert en Gouvernance, que ces leaders « peuvent s’approprier la candidature retenue librement par les élus ».
Pour notre interlocuteur, cette procédure aurait l’avantage de « nous éviter de plonger dans la corruption décriée par la Ministre d’Etat en charge de la Justice, Mme Rose Mutombo, au sortir de l’audience avec le Président de la République le mardi 12 mars 2024 ». Et de faire cette démonstration : « Dans le cas précis des provinces, l’élu ne tombe dans la corruption que lorsqu’on le force à poser un acte contraire à ses convictions et lorsqu’on lui prive ses droits, comme ses émoluments, pour assurer sa survie ».
Notre expert en gouvernance estime, en sus de cette démonstration, qu’« aussi longtemps que les Gouverneurs seront l’émanation d’ailleurs que des élus eux-mêmes, il n’y aura pas de développement dans nos provinces, car chacun cherchera à servir son maître et non la population ».
Portrait-robot du parfait gouverneur
Dans le meilleur des cas, toujours selon lui, « le candidat Gouverneur devrait être d’abord un élu, de préférence du niveau provincial et, dans la moindre mesure, un élu du niveau national ». Pour l’auteur de cette proposition, aurait un double avantage.
D’abord, elle « permettrait à tout prétendant Gouverneur de se faire d’abord élire au suffrage universel direct avant de solliciter le suffrage indirect ». Ensuite, et de toute évidence, «Cela renforcerait la redevabilité du Gouverneur vis-à-vis de la population».
Casser l’emprise du pouvoir central
En formulant cette procédure, l’expert en gouvernance, se dit animé par le souci de privilégier et sauvegarder les valeurs de la décentralisation telle que prescrite par la Constitution et les lois. « Ayons le courage de respecter l’esprit de la décentralisation contenue dans la Constitution congolaise », déclare-t-il, en effet, faisant remarquer que « la forte centralisation du pouvoir domine encore l’esprit du politique congolais du niveau central qui ne veut pas lâcher et se libérer du mythe du « dominant-dominé » ».
Pour lui donc, « le niveau central devrait s’occuper de la mise en place du Gouvernement central, tandis que les provinces devraient s’occuper de la mise en place des Gouvernements provinciaux et des bureaux des Assemblées provinciales ». Et de conclure, sans détour : « Tout comportement contraire plombe le développement des provinces ou des entités décentralisées et partant, celui de la République ».
R.M., avec J.D.W. de Congoguardian.com