Kenya Airways a annoncé dans la soirée de ce lundi 6 mai qu’elle reprendrait ses vols vers Kinshasa après que les autorités militaires de la République démocratique du Congo ont libéré deux de ses employés arrêtés le mois dernier. La compagnie aérienne kenyane avait annoncé le 29 avril dernier sa décision de suspendre ses vols en direction et au départ de Kinshasa suite à la détention, qu’elle avait qualifié d’illégale, de ses deux agents par les renseignements militaires congolais.
«En raison de la détention continue des employés de KQ par l’unité de renseignement militaire à Kinshasa, Kenya Airways (KQ) n’est pas en mesure de soutenir efficacement nos vols sans personnel. En conséquence, nous avons pris la décision difficile de suspendre les vols vers Kinshasa à compter du 30 avril 2024 jusqu’à ce que nous puissions soutenir efficacement ces vols», écrivait Allan Kilavuka, PDG de Kenya Airways dans un communiqué publié sur le site de la compagnie.
L’arrestation de ces deux agents a été qualifiée d’«illégale» et de «harcèlement visant les affaires de Kenya Airways» par la compagnie aérienne kenyane, tandis que le président d’une importante commission parlementaire l’avait qualifié de violation des règles diplomatiques. Désormais, tout est rentré dans l’ordre. «Kenya Airways confirme que les autorités militaires ont libéré sans condition nos deux employés détenus depuis le 19 avril 2024», a déclaré la compagnie aérienne du Kenya dans un communiqué en début de soirée. Qui poursuit : «Avec le soutien au sol nécessaire en place, nous sommes heureux d’annoncer que Kenya Airways reprendra ses vols vers Kinshasa le 8 mai 2024».
Conséquences néfastes
Plus tôt, le gouvernement kenyan avait annoncé la libération de l’un des employés. «Profondément reconnaissant de vous informer que Lydia Mbotela, responsable de KQ en RDC, vient d’être libérée par les autorités de Kinshasa», a déclaré Korir Sing’oei, principal secrétaire aux Affaires étrangères du Kenya, sur X, anciennement Twitter. Les deux employés, qui travaillent dans les bureaux de la compagnie aérienne à Kinshasa, ont été arrêtés le 19 avril par une unité de renseignements militaires.
Les deux agents de Kenya Airways avaient été arrêtés car accusés d’avoir fait passer une cargaison de 8 millions de dollars américains en espèce, en violation des lois congolaises. Cependant, pour la compagnie aérienne, la cargaison, dont le contenu n’était pas précisé, «n’avait pas été acceptée par KQ en raison d’une documentation incomplète». «Elle se trouvait toujours dans la section bagages en cours de dédouanement lorsque l’équipe de sécurité est arrivée et a allégué que KQ transportait des marchandises sans dédouanement», indiquait M. Allan Kilavuka. Qui précisait que «tous les efforts pour expliquer aux officiers militaires que KQ n’avait pas accepté la cargaison en raison de documents incomplets se sont révélés vains».
A l’heure du bilan de cette crise désormais réglée, il s’avère que la décision de Kenya Airways de suspendre ses vols sur Kinshasa avait des conséquences néfastes pour les deux parties. Pour la RDC d’abord. Une des deux compagnies aériennes à assurer des vols quotidiens entre Kinshasa et l’Afrique de l’Est, à partir d’où elle organise des correspondances vers plusieurs destinations dans le monde, dont notamment Dubaï, la Chine, la Thaïlande, ainsi que plusieurs pays occidentaux comme le Royaume Uni, la France, le Canada et les Etats Unis, Kenya Airways pèse pour le tiers du transport aérien entre le Congo et l’Afrique de l’est, ce qui n’est pas rien. Les passagers qui dépendent du transit via Addis-Abeba, Entebbe et Nairobi pour atteindre leur destination finale se sont retrouvés particulièrement touchés.
En effet, une analyse des données d’horaires montre que seules Ethiopian Airlines, Kenya Airways et Uganda Airlines desservent Kinshasa avec des vols directs vers leurs hubs respectifs d’Addis Abeba, Nairobi et Entebbe. Au total, ce sont 5.342 places qui sont disponibles par semaine dans les deux sens. Avec deux vols quotidiens entre Kin et Addis, Ethiopian représente 63% de ces sièges, tandis que Kenya Airways, avec un seul vol quotidien vers Kinshasa, offre 1.813 sièges, soit 34% de la capacité hebdomadaire vers l’est.
Les prix des billets s’envolent
Le dernier arrivé sur le marché, Uganda Airlines, empoche les 3% restants, en exploitant trois vols entre Entebbe et Kinshasa, à l’aide de son CRJ-900 de 76 places. Cependant, en raison du compromis entre poids et autonomie, la compagnie ougandaise ne propose que 50 sièges par vol, soit un total de 150 sièges par semaine.
Déjà confrontés à la réduction des connexions avec l’Afrique de l’est depuis que le gouvernement congolais avait interdit les vols de Rwandair en mai 2022, les passagers congolais vers l’Afrique de l’est ont vu le marché de transport en direction et au départ de l’Afrique de l’est se réduire davantage. Or, c’est par là que s’effectue le plus gros des voyages vers l’étranger à partir de la RDC. La surchauffe sur le marché du transport aérien congolais était perceptible. Il se remarquait déjà une forte pression sur les places offertes par Ethiopian que les clients se disputaient. Dans les agences de voyage, les prix des billets vers Dubaï et la Chine avaient pris de l’envol, mettant en péril de nombreux ménages qui vivent du commerce entre ces pays et la RDC. De surcroit, l’ambassade de Chine commençait à accorder des visas au compte-goutte, prétextant la réduction des places dans les avions. Voyager devenait un casse-tête.
Mais la suspension de vols constituait aussi un problème pour Kenya Airways lui-même. En effet, la compagnie est confrontée, depuis plusieurs années, à des did=fficultés financières et des pertes. En février dernier, elle a annoncé un bénéfice d’exploitation pour 2023 après sept années de lourdes pertes. Les bénéfices d’exploitation de Kenya Airways – c’est-à-dire les bénéfices avant déduction des remboursements de la dette et des impôts – s’élevaient à 79 millions de dollars en 2023, une augmentation considérable par rapport aux 42 millions de dollars de perte enregistrés l’année précédente.
Pour autant, la compagnie aérienne est toujours dans le rouge, avec une perte globale de 173 millions de dollars. Autant dire que la suspension des vols vers un énorme marché comme celui de la RDC ne pouvait mal tomber pour Kenya Aurways.
Rica MITSH