Denise Mukendi, vociférant des menaces sur sa page Tik Tok.
Après la clameur publique soulevée suite aux révélations qu’elle a faites sur les viols qu’elle aurait fait subir au journaliste reconverti en politique, Jacky Ndala, et qui ont été confirmées par la victime elle-même, Denise Mukendi a finalement été arrêtée à Brazzaville. De nombreuses vidéos montrant son transfèrement à Kinshasa par des agents d’Interpol ont circulé sur les réseaux sociaux ce vendredi soir. Autant que celles de son audition au parquet du tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe, après laquelle elle a été transférée à la prison centrale de Makala où elle passé sa première nuit. Depuis lors, soulagée, l’opinion attend, entre doute et espoir de voir cette affaire être menée à bien, en respectant les principes qui sous-tendent la justice – la vraie !
Sous Joseph Kabila, Denise Mukendi était une animatrice des réseaux sociaux, attachés à quelques bonzes du kabilisme triomphant. Elle avait la réputation d’être une ‘‘mal bouche’’ comme on dit à Kinshasa, une forte en gueule sans égard pour quiconque, et pas du tout abonnée à la pudeur. Elle arborait fièrement les couleurs du PPRD, le parti de l’ancien président de la République. C’était, en tout cas, sa partie visible. Mais c’est sous la présidence de Félix Tshisekedi que sa trajectoire va basculer. Une fois le président de l’UDPS installé au sommet de l’Etat, des ‘‘communicateurs du chef de l’Etat’’ envahissent les réseaux sociaux, sans être reconnus officiellement en tant que tels. Leur objectif : instaurer une sévère police de la pensée, car désormais nul n’a le droit de s’opposer à Félix Tshisekedi.

Denise Mukendi (au milieu), portant des habits de propagande du PPRD pendant les années Kabila.|Photo : Droits tiers
Le premier, un certain Eddy Kamina, alias Dinosaure, congolais originaire du Kasaï oriental vivant aux Etats Unis. Il se présente comme étant le ‘‘communicateur personnel et privé du chef de l’Etat’’. Il a comme mode d’opération d’appeler tout celui qu’il considère comme opposant au régime, et de l’injurier en Tshiluba avec des insanités lestes d’une rare violence et d’une puanteur insoutenable, mettant l’accent sur la mère de la victime qu’il insulte jusque dans son intimité avec des mots crus et d’une grivoiserie outrancière. Chaque conversation est enregistrée et publiée sur les réseaux sociaux. Le journaliste Jean Marie Kasamba, la regrettée chanteuse Tshala Muana, le député Alphonse Ngoyi Kasanji, ou encore l’opposant Delly Sesanga et beaucoup d’autres, ont été ses victimes. L’opinion publique est choquée, mais l’on enregistre aucune réaction de la présidence de la République, au nom de laquelle Dinosaure prétend parler.
Propos scandaleux
Survient ensuite Denise Mukendi, alias Dussauchoy. Originaire du Kasaï central par son père, elle se prévaut surtout de son appartenance aux Bakua Ntombolo par sa mère, le clan auquel appartient le chef de l’Etat dans le territoire de Kabeya Kamuanga, au Kasaï oriental. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, elle installe dans le gotha politique et le landerneau médiatique une terreur par l’injure crue. Au point que nul ne souhaite se frotter à elle. Tout lui est permis : elle peut faire ce qu’elle veut, dire ce qu’elle veut, comme elle veut et contre qui elle veut, elle se comporte carrément comme la propriétaire du pays qui règne, telle une réincarnation de Léopold II, sur un EIC bis, une propriété privée de sa famille.
Elle le dit d’ailleurs, ouvertement, dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux : «c’est notre pouvoir des Baluba, vous autres Bakongo, Baswahili, fermez vos gueules». Silence radio de la présidence de la République, aucune réaction de la justice, et encore moins des services de sécurité. Enhardie par ce premier succès, elle enchaîne : «vous les gens de l’Est, je ne sais pas comment on vous a créés. Vous avez des visages très laids, et des tailles très petites. C’est sans doute dû au fait que vos mères ont été violées de multiples fois». Les propos sont scandaleux, et touchent à la dignité des femmes congolaises d’une partie du pays qui a vécu le martyr. Aucune réaction de la justice. Seth Kikuni est en prison pour beaucoup moins que ça.
Alors, Mukendi se déchaîne. Dans une autre vidéo, elle déclare : «coûte que coûte, les Katangais seront placés sous le lit. Les Katangais, je vous ai injuriés, mais après vous m’avez donné de l’argent, espèce de villageois». Aucune réaction toujours de la justice.
A une réception organisée chez l’ambassadeur Balumuena, elle se rue sur le sénateur et ancien ministre des Finances Nicolas Kazadi qu’elle traite de tous les noms en public, et vient ensuite s’en vanter sur sa page du réseau social Tik Tok.
Soldats baroudeurs du régime
Du coup, comme ceux qui se ressemblent s’assemblent, les deux ‘‘communicateurs du chef de l’Etat’’ s’unissent et deviennent les soldats baroudeurs du régime. Nul, au sein du pouvoir Tshisekedi ne prend la précaution de dénoncer ces dérives et de fixer l’opinion sur le fait que ces deux individus sont inconnus de la présidence et ne sont pas chargés par le cabinet du chef de l’Etat de travailler pour son compte. Mme Mukendi promet même, si les services de sécurité y mettent des moyens, de ramener le journaliste Pero Luwara mort au pays.
Elle s’attaque ensuite à la journaliste Paulette Kimuntu, coupable d’avoir critiqué le chef de l’Etat, et l’injurie jusque dans son physique. Paulette Kimuntu, fille de l’ancien président de l’Assemblée nationale en 1965, et première dauphine de Miss Zaïre en 1994. Mukendi la prévient, d’ailleurs, que même si elle la traînait en justice, rien ne lui arrivera, vu que, ‘‘au cas où elle l’aurait oublié», lors d’un procès éventuel, «le juge sera Mutombo, le greffier Kazadi, le magistrat Ilunga, les inspecteurs du parquet seront Kankolongo, Tshishima, Tshilejelu, et tout ce qui va avec». Traduction libre : la justice est entre les mains de ses frères ethniques, les Baluba du Kasaï. Même là, alors qu’elle est outragée, la justice ne leva le moindre doigt.
Pourtant, pour avoir simplement dit que les agents de sécurité qui bastonnaient les gens lors d’une marche de l’opposition en mai 2023 étaient ‘‘ses frères Baluba’’, l’alors député provincial d’opposition Ensemble de Kinshasa/Lingwala, Mike Mukebayi, croupit en prison depuis une année et trois mois à ce jour, sans jugement. Mais pour Denise Mukendi, rien !
Des questions sans réponses
Jusqu’au jour où elle a finalement fait déborder le vase. En révélant en détail, sourire aux lèvres, l’air goguenarde et un contentement jouissif, le viol dont aurait été victime Jacky Ndala à l’ANR, affirmant avec une indécente satisfaction avoir été à la base de cette abomination. Là, l’opinion publique est choquée, et une forte indignation populaire se lève. Dans la foulée, Mukendi publie une deuxième vidéo dans laquelle elle réclame une créance de 25 000 de dollars américains à Isidore Kwandja, directeur des jeux de la Francophonie, révélant avoir contribué à faire sortir celui-ci d’un infect cachot de l’ANR où elle laisse entendre que ce dernier aurait aussi subi les mêmes pratiques de viol par sodomisation qu’elle décrit par l’expression «arracher ta dignité».
Comme d’habitude la justice ne bougeait toujours pas, le ministre Mutamba a fini par instruire la justice afin de faire la lumière sur les déclarations de la tiktokeuse sur le viol dont aurait été victime Jacky Ndala. C’est là que, finalement, que Denise Mukendi a pu être arrêtée et placée sous mandat d’arrêt provisoire à Makala.
Cependant, si l’opinion est largement heureuse de voir la scandaleuse communicatrice du pouvoir derrière les barreaux, le scepticisme règne. Beaucoup de questions fusent, en effet : pourquoi, pendant plus de cinq ans, la présidence de la République, les services de sécurité, la justice, voire le parti UDPS, ont gardé le silence face à des dérives d’une telle indécence ? Les révélations de Mme Mukendi sont-elles vraies ? Dans l’affirmative, la justice pourra-t-elle ouvrir la boîte de Pandore qui risquerait de mouiller des responsables de l’agence du renseignement ? Denise Mukendi est-elle, elle-même, un agent de l’ANR ? Sinon, comment peut-elle contribuer à faire arrêter Jacky Ndala, et savoir dans les détails les traitements dégradants qu’on lui a infligés, et accéder à Isidore Kwandja alors que celui-ci était détenu au secret ? Pourquoi accuse-t-elle l’ANR de ne jamais sortir l’argent quad il faut, et affirme même avoir réalisé des opérations sans être payée à ce jour ? De quelles opérations s’agit-il ? Si au contraire ce qu’elle raconte était faux, dans quel intérêt elle s’est permise de couvrir à ce point l’Agence nationale du renseignement ? Et pourquoi cette agence était restée silencieuse face à de telles accusations ?
Des questions sans réponses pour l’heure, qui font que l’opinion attend pour voir. Comme le saint Thomas du Nouveau testament.
Mbuta MAKIESSE







