Le gouverneur du Kasaï central, Joseph Kambulu, lors du briefing à Kananga|Photo : capture d’écran Finance-cd.com
En tournée au Kasaï central, le chef de l’Etat a amené une délégation ministérielle dans laquelle on note la présence des ministres Patrick Muyaya de la Communication, et Alexis Gisaro des Infrastructures. L’occasion faisant le larron, Patrick Muyaya a délocalisé à Kananga, le moment d’une tournée présidentielle, ses fameux briefings – ces grands-messes médiatiques qui ne servent, pour ainsi dire, à rien sinon à dilapider quelques millions inutilement. Avec, à l’ordre du jour, la situation du Kasaï central bien entendu. Kasaï central ? La province d’origine de Patrick Muyaya – même s’il refuse avec mépris de s’en reconnaître ressortissant, mais en occupe quand-même le quota au gouvernement. Le Kasaï central, le cœur du beau et prospère Kasaï de l’époque coloniale, aujourd’hui rentré à pas de géant vers le paléolithique inférieur en matière de sous-développement. A la tribune, outre M. Muyaya, le ministre Alexis Gisaro et le gouverneur Joseph Kambulu Nkonko.
A une question de notre consœur Rachel Kitsita sur les priorités de la province adressée au gouverneur Kambulu, ce dernier explique d’emblée que dans sa province, tout est prioritaire. «Tout est prioritaire, et ce, dans tous les secteurs. En ce qui concerne les infrastructures, comme je l’ai dit tout à l’heure, il n’y a encore rien, donc il faut commencer», répond le gouverneur. Mais il est immédiatement interrompu par Patrick Muyaya, qui le somme littéralement de relativiser son propos au regard ‘‘des éclaircissements que le ministre d’Etat (Gisaro) a apportés’’. Droit dans ses bottes comme un maréchal des logis et sincère dans ses dires comme un moine tibétain, le gouverneur ne se laisse pas intimider par Muyaya. Il ne laisse même pas le porte-parole du gouvernement finir avec son incartade et lui lance, ferme : «Non, non, Excellence monsieur le ministre, laissez-moi parler ! C’est moi qui doit donner la réponse à la question qui m’est posée».
Le ton est martial, c’est clair et net ! Muyaya bat alors piteusement en retraite, en concédant un ‘‘allez-y, s’il vous plait’’. Le gouverneur continue alors sur sa lancée. Mme Kitista en profite pour le relancer sur les affirmations faites par le ministre Alexis Gisaro tout à l’heure. Imperturbable, le gouverneur se fiche éperdument des propos de M. Gisaro : «Vous me posez chacun des questions, et c’est à moi de donner les éléments de réponse. Je ne vais pas répondre à la place de Monsieur le ministre d’Etat. C’est à moi que vous avez posé la question», suscitant des applaudissements dans la salle.
La farine des mensonges
Et de continuer : «Et moi je dis : ici tout est prioritaire. Je ne sais même pas définir des priorités, car tout est prioritaire. Vous avez senti ça : la population a communié avec le chef de l’Etat. Et la population a dit : nous voulons la route Kananga-Kalamba-mbuji ; la population a dit : nous voulons du courant électrique ; la population a dit : nous voulons de l’eau ; la population a dit : voirie urbaine».
Avant de brosser le tableau infrastructurel de sa province, devant le ministre des Infrastructures Alexis Gisaro prêt à s’évanouir : «J’ai commencé par dire qu’il n’y a pas de voirie ici. Il n’y a pas de voirie parce que nous avons deux offices qui n’existent que de nom, je le dis je m’assume. Nous avons l’Office des routes qui n’a rien et qui ne fait rien. Nous avons l’Office des voiries et drainages qui n’a rien et qui ne fait rien. Voilà le tableau macabre du Kasaï central. Je suis gêné, je suis peiné pour me tenir debout pour le brosser, car si je présente le tableau de manière … Bon, puisque vous avez parlé du budget, mais je préfère ne même pas revenir sur le budget. Je peux seulement vous dire qu’ici chez nous tout est prioritaire, nous sommes une province totalement abandonnée, laissée pour compte, et il n’y a rien ici».
La salle applaudit frénétiquement encore les propos du gouverneur. Devant leurs pupitres respectifs, Patrick Muyaya et Alexis Gisaro suent à grosses gouttes, et se mordent la lèvre jusqu’au sang. Ils ont perdu leur bagout et doivent, pour sauver la face, se lancer dans de nouvelles promesses qui, au final, n’ont convaincu personne. Dans les réseaux sociaux, un extrait des propos du gouverneur Joseph Kambulu est devenue virale, saluée par les Congolais du Nord et Sud, de l’Est comme de l’Ouest pour sa bravoure et sa sincérité face à deux ministres qui, comme d’habitude, étaient bien partis pour rouler l’opinion dans la farine des mensonges.
MULOPWE Wa Ku DEMBA







