Le président angolais Joao Lourenço (au centre) entouré de ses homologues rwandais Paul Kagame (g) et Félix Tshisekedi|Photo : Droits tiers
C’est la magie du Qatar. Là où le président angolais Joao Gonçalves Lourenço n’a pas réussi ni à faire respecter son appel au cessez-le-feu du 15 mars, ni à organiser la première rencontre directe entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23, l’émir du Qatar a réussi à réunir les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame. C’était à Doha, le mardi 18 mars. Les trois chefs d’Etat ont appelé à un cessez-le-feu. Dès le lendemain, les troupes rebelles de l’AFC/M23 prenaient Walikale centre …
Les hommes de Corneille Nangaa enchaînaient les prises, allant de Mubi à Osokari, avec en ligne de mire Kisangani, la troisième ville du pays. Puis la presse annonce que l’émirat pétrolier du Golf a lancé une invitation aux rebelles congolais pour parler paix dans l’Est du Congo. Subitement, les ardeurs baissent de tous côtés. Il y eut d’abord un retentissant changement de narratif. Invitée du programme ‘‘Congolais telema’’ sur la RTNC le samedi 22 mars, la ministre des Affaires étrangères congolaise Thérèse Kayikuamba Wagner fit part de la volonté du gouvernement de négocier.
Mais avec des mots nouveaux. «Nous sommes dans une logique de l’évolution du conflit, et la RDC, à ce moment précis, a estimé qu’il était plus opportun pour nous et surtout pour nos populations, d’engager cette discussion directe avec le M23 si cela aurait pour répercussion une cessation de violence contre nos populations civiles», déclare-t-elle. Pour la première fois donc, les rebelles congolais sont juste désignés comme étant ‘‘le M23’’, et non pas comme des terroristes ou des supplétifs de l’armée rwandaise.
Prédicat honorifique
Echange d’amabilité, l’AFC/M23 annonce alors le même jour dans la soirée son retrait de Walikale centre et de toutes ses positions récemment conquises dans le territoire de Walikale, pour se repositionner à Kibati en territoire de Masisi. C’est-à-dire là où il était avant le sommet de Doha du 18 mars. Les insurgés congolais tiennent à se faire accepter comme des bons garçons (et des bonnes filles), faiseurs de paix.
Réaction tout aussi aimable des FARDC qui, le dimanche 23 mars, «prennent acte de la décision annoncée ce samedi 22 mars 2024 par l’Alliance fleuve Congo (AFC) et le Mouvement du 23 mars (M23), de se retirer de Walikale dans la province du Nord Kivu, en exécution de la déclaration conjointe du 18 mars 2025 entre l’Etat du Qatar, la République démocratique du Congo et la République du Rwanda».
L’armée congolaise précise en outre que «les forces armées de la République démocratique du Congo vont observer avec vigilance le retrait des forces hostiles de Walikale jusqu’à l’Est de Kibati». Et annonce également qu’elles vont s’abstenir de mener toute action offensive contre les rebelles, tout en enjoignant les combattants d’autodéfense Wazalendo à faire de même afin d’encourager la désescalade.
Non seulement les FARDC ne font pas allusion aux ‘‘troupes rwandaises d’agression’’ mais se limitent à parler seulement de l’AFC et du M23, mais en plus, le président du Rwanda est affublé du prédicat honorifique ‘‘Son Excellence Paul Kagame’’. A ce point, le Rwanda ne pouvait qu’entrer à son tour dans cet échange de bons procédés. Dans un communiqué de son porte-parole, le gouvernement rwandais salue ainsi «l’annonce du M23 concernant le repositionnement de ses forces à partir de Walikale, en appui aux initiatives de paix en cours». Il félicite également «l’annonce de la RDC selon laquelle toutes les opérations offensives menées par les FARDC et les Wazalendo seront suspendues».
Chœur joyeux annonciateur de paix
Dès lors, il ne manquait plus que le Qatar de manifester sa joie en intégrant ce chœur joyeux annonciateur de paix. Dans un communiqué diffusé ce lundi 24 mars 2025 matin, l’émirat salue à son tour «les déclarations de la République démocratique du Congo et de la République du Rwanda concernant leur engagement en faveur de la désescalade et de la réduction des tensions dans l’est du Congo, suite à la déclaration du M23 sur son retrait de la zone de Walikale. Le Qatar considère cela comme une étape positive importante vers la stabilité et la paix dans la région».
Le Qatar appelle également les parties impliquées dans le conflit à l’Est de la RDC à privilégier le dialogue. «Le ministère réitère le soutien du Qatar aux processus de Nairobi et de Luanda, ainsi que sa position ferme appelant à la résolution des conflits par le dialogue et des moyens pacifiques, dans le respect des principes du droit international, favorisant ainsi la stabilité et renforçant la paix et la sécurité internationales», poursuit le communiqué.
On serait sur le point d’entonner le ‘‘Tout va très bien Madame la Marquise’’. Sauf que, malheureusement, le médiateur angolais a décidé le même lundi matin de jeter l’éponge. Officiellement pour se consacrer aux dossiers continentaux. Mais en réalité, le chef de l’Etat angolais semble bien dépité par les ingérences extérieures à l’Afrique et qui font saborder ses efforts de paix. Déjà, le 20 mars 2025, le chef de la diplomatie angolaise, M. Tête Antonio, s’était dit étonné de la rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame à Doha, et du fait que cette rencontre ait lieu «exactement le jour où la République démocratique du Congo (RDC) a envoyé une délégation à Luanda pour la réunion avec le M23». Il avait alors estimé que «tous les efforts pour résoudre les conflits sont les bienvenus», mais que «les problèmes africains doivent avoir une résolution africaine». Une profession de foi pour l’Angola.
Dans le communiqué publié ce lundi matin, la présidence angolaise rappelle que la rencontre entre le gouvernement et la rébellion de l’AFC/M23 aurait dû avoir lieu à Luanda le 18 mars de l’année en cours, mais qu’elle a été «avortée in extremis par un ensemble des facteurs, dont certains externes et étranges aux processus africains déjà en cours», allusion à mots couverts à la salve des sanctions de l’Union européenne contre plusieurs dirigeants de l’AFC/M23 juste à la veille de la rencontre et qui a poussé la rébellion congolaise à annuler sa participation.
Rica MITSH







