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On aura tout vu : Wameso inverse le cours du Franc congolais… Fwamba et Mukoko s’en attribuent le mérite.

Gouverneur de la Banque centrale du Congo, André Wameso (au centre) a rabattu le caquet à deux ministres prétentieux, Mukoko Samba (à gauche), et Doudou Fwamba (à droite)|Photo : Droits tiers

Depuis deux semaines, le franc congolais a connu une appréciation spectaculaire de 9,1 %, passant de 2 850 à 2 400 FC pour un dollar au marché parallèle. Un vrai bol d’air pour une économie extravertie et sous tension.

Mais au lieu de saluer l’action technique qui en est à l’origine, deux ministres se sont empressés de se dresser en héros monétaires : Daniel Mukoko Samba, vice-premier ministre à l’Économie, et Doudou Fwamba, ministre des Finances.

Des ministres qui s’auto-félicitent

Premier à monter sur scène, Mukoko Samba explique l’embellie par « un ajustement du niveau des réserves obligatoires » et « un resserrement budgétaire » censés résulter d’une bonne coordination gouvernementale.

Un “resserrement budgétaire” ? Vraiment ? Alors que les dépassements budgétaires se sont poursuivis dans de nombreux secteurs et institutions sans la moindre retenue…

Fwamba, lui, s’est livré à une véritable séance d’auto-glorification sur Top Congo FM, affirmant que la stabilité monétaire découle de sa « discipline budgétaire » et de grandes réformes fiscales. Une mise en scène soigneusement rodée… mais totalement déconnectée des faits.

Selon les données internes transmises au FMI, le programme visait un déficit primaire quasi nul, avec une marge de tolérance d’environ 1 % du PIB sur le premier semestre.

Or, en réalité, le déficit a explosé, dépassant le milliard de dollars américains au 30 septembre 2025 — un record historique.

Dérive budgétaire majeure

Ce dérapage est principalement lié à plusieurs causes, notamment : une utilisation massive de la procédure d’urgence (plus d’1 milliard USD engagés sur six mois) ; une exécution budgétaire largement non conforme aux règles de passation et de contrôle ; une accumulation de dépenses non planifiées et hors cadre programmatique, en dépit des engagements pris vis-à-vis du FMI.

Ce déficit est incompatible avec les objectifs de stabilité macroéconomique fixés dans le programme FEC (Facilité élargie de crédit). Il compromet les efforts de maîtrise de la liquidité et augmente la pression sur la Banque centrale, qui se retrouve seule à stabiliser le marché de change.

Quant aux dépassements budgétaires devenus chroniques, certaines institutions continuent de s’accaparer la part du lion, pendant que d’autres attendent vainement l’exécution de leurs crédits budgétaires.

Le ministère des Finances, dirigé par Doudou Fwamba, illustre parfaitement cette dérive. À lui seul, il a géré près de 20% des dépenses exécutées au premier semestre 2025 : 1,068 milliard USD sur un total de 5,4 milliards. De ce montant, 357 millions USD ont servi aux dépenses de prestations, contre une prévision annuelle de seulement 38,7 millions. Soit un taux d’exécution de… 939% ! Une explosion qui interroge sur l’usage réel de ces fonds. Si c’est ça la “stabilisation macroéconomique” selon Fwamba, alors le dictionnaire économique mérite d’être réécrit.

En résumé, alors que le programme FMI prévoyait une gestion prudente et disciplinée, la réalité a été celle d’une dérive budgétaire majeure — ce qui rend d’autant plus ironique la tentative de Doudou Fwamba et Daniel Mukoko de s’attribuer la récente appréciation du franc congolais, obtenue en fait grâce à la politique monétaire stricte de la BCC, et non à une gestion budgétaire exemplaire.

Wameso rétablit les faits

Face à ces récupérations politiques, André Wameso, gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), a tranché net le 7 octobre à Kinshasa : « L’appréciation du franc congolais observée ces dernières semaines est exclusivement le résultat de la politique monétaire de la Banque centrale. »

Sans détour. Sans langue de bois.

La dépréciation de mi-2025 provenait d’un déséquilibre du mécanisme des réserves obligatoires : figé à 1 999 FC/USD, ce taux ne couvraient plus les dépôts en devises, alimentant une surliquidité et une pression sur le marché de change.

La BCC a réagi avec précision : resserrement monétaire ciblé, puis assouplissement maîtrisé avec injections de devises. Résultat : marché stabilisé, voire inversé, confiance restaurée, monnaie raffermie.

Rien à voir avec les incantations politico-populistes des ministres.

Les faux architectes de la stabilité

Et pourtant, Fwamba et Mukoko s’attribuent aujourd’hui le succès, comme deux paons paradant avec les plumes d’autrui.

Ils n’ont pris aucune mesure économique structurante à ce moment-là. Pire, ils ont aggravé le déficit et affaibli la discipline budgétaire. Le paradoxe est cruel : ceux qui déstabilisent récoltent les lauriers de ceux qui réparent. Ce sont les mêmes qui, il y a peu, s’acharnaient à vouloir détruire par des attaques politiciennes abjectes leurs prédécesseurs qui ont conçu et mis en œuvre des réformes que personne ne peut contester.

À ce stade, ce n’est plus de la politique, encore moins de la politique économique : c’est de la comédie économique.

Fwamba : bloquer, puis récupérer

Depuis son arrivée, Fwamba s’est distingué par une stratégie bien huilée : bloquer les réformes de Nicolas Kazadi, attendre, puis les relancer sans rien changer… en s’en attribuant le mérite.

C’est le cas pour la fiscalité des jeux, le Compte unique du Trésor ou la facture normalisée. Une communication politique qui piétine la continuité administrative.

Mukoko Samba : un mérite emprunté

De son côté, Mukoko Samba a revendiqué la réduction des subventions pétrolières de 170 à 16 millions USD au premier semestre 2024. Problème : il n’était même pas encore au gouvernement.

Ce succès est à mettre au crédit des réformes structurelles engagées sous Kalumba, Kazadi et Kamerhe, avec l’appui du Cabinet Mazars et la mise en place du mécanisme SS2. Il s’est simplement assis sur des résultats acquis par d’autres.

Une Banque centrale déjà à la manœuvre

Ce n’est pas la première fois que la BCC sauve la mise. En juillet 2023, elle avait procédé à peu près de la même manière : hausse spectaculaire du taux directeur à 25% et du taux des réserves obligatoires, plus injection massive de devises sur le marché. Résultat: le taux parallèle est passé de 2 700 à 2 300 FC le dollar américain. Déjà à l’époque, la note de conjoncture économique attribuait cette remontée exclusivement aux actions techniques de la Banque centrale — pas aux ministres.

Malheureusement, la politique restrictive de la BCC en matière de réserves s’est relâchée sans explications crédibles et il a fallu l’arrivée du Gouverneur Wameso pour reprendre les bonnes recettes. 

L’opinion s’interroge toutefois — et à juste titre — sur le rôle réel de la BCC : son devoir structurel est de stabiliser la monnaie, pas de laisser le taux fluctuer avec de telles amplitudes, qu’il s’agisse d’une envolée ou d’une appréciation brutale. 

Moralité : la technique avant la politique

Quand la Banque centrale stabilise, que les marchés réagissent et que la monnaie respire, les ministres feraient mieux de se taire plutôt que de s’inventer un rôle dans une pièce qu’ils n’ont pas écrite. Le mérite de l’appréciation du cours du franc congolais revient à la Banque centrale du Congo. Point final.

MULOPWE Wa Ku DEMBA