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Kinshasa – La nomination d’une femme colonel de la PNC dans le gouvernement de Daniel Bumba est parfaitement normale et légale

Le gouverneur de Kinshasa, Daniel Bumba, a rendu public son gouvernement ce mercredi 26 juin 2024. La grande particularité en est, non seulement le fait qu’il ne comporte qu’une seule femme, mais le fait que cette femme se trouve être un colonel de la Police nationale congolaise (PNC). Depuis lors, l’hallali de guerre a été lancé contre le chef de l’exécutif de la province-capitale, qui est accusé par certains d’avoir violé la loi au regard de l’apolitisme des forces de sécurité. Mais en y regardant de près, il n’en est rien : le gouverneur Daniel Bumba n’a commis aucune faute, et la nomination d’un officier de la PNC au sein du gouvernement est parfaitement normale et légale.

Dans le gouvernement rendu public ce mercredi 26 juin 2024, Madame Mimie Bikela Mundele figure aux fonctions de ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières. Avec le grade de colonel, cette dernière était jusqu’alors l’officier spécialisée dans la protection de l’enfant et la lutte contre les violences basées sur le genre (VSBG) dans la PNC, et fondatrice de l’Asbl #CRHEESDV. Il n’en fallait pas plus pour susciter un tollé dans les médias et parmi certains juristes.

Maître Willy Wenga, avocat basé à Kinshasa, et connu pour ses analyses juridiques dans les médias, estime même qu’elle devrait démissionner. «Elle ne devrait que démissionner de son poste au gouvernement dès lors qu’elle tombe sous le coup d’incompatibilité selon l’article 57 de loi sur la police nationale. Un mandat public est incompatible avec le statut de policier. Le ministre national devrait interpeller le gouverneur de la ville de Kinshasa Daniel Bumba en lui demandant de retirer son arrêté, la nomination de cette policière», a-t-il déclaré.

Il est vrai que l’article évoqué par M. Wenga, tiré de la loi n°13/013 du 1er juin 2013 portant statut du personnel de carrière de la police nationale, interdit effectivement au policier d’exercer «un mandat législatif ou tout autre mandat public». Mais cet article doit être combiné avec la suite de la loi. En effet, à la section 3, article 128, il est prévu «le détachement», qui, sur le principe, est la situation d’un fonctionnaire, d’un militaire provisoirement affecté à d’autres fonctions en dehors de son emploi d’origine : fonction publique, forces armées ou police nationale.

Parfaitement normal

Cet article stipule : «le détachement est la position du Policier qui, selon le cas, est autorisé par l’autorité compétente, à œuvrer hors de son administration d’origine, notamment dans des emplois administratifs en République Démocratique du Congo au sein d’Institutions Scientifiques, Régies, Offices ou Organismes créés par l’Etat, au sein des Universités et Instituts supérieurs de la République, au sein d’Organismes d’Intérêt Public dotés de la personnalité civile ou, à l’étranger, au sein d’Organisations Internationales. Il continue à bénéficier, dans son Corps d’origine, de ses droits à l’avancement et à la retraite».

l’article 129 précise même que «le détachement n’est accordé que lorsque la fonction envisagée empêche d’assurer normalement l’emploi originaire, ou est incompatible avec l’exercice de celui-ci», et «rend vacant l’emploi occupé par le Policier». Il en est de même des militaires des Forces armées. En effet, l’article 102 de la loi n° 13/005 portant statut du militaire des Forces Armées de la République Démocratique du Congo du 15 janvier 2013 stipule : «le détachement est la position de l’officier ou du sous-officier autorisé à interrompre temporairement ses fonctions militaires pour occuper un emploi au sein de l’administration publique, de l’organisme officiel autre que ceux auxquels le militaire de carrière est soumis au terme de la présente loi».

En clair, il est parfaitement normal que militaires comme policiers peuvent bien exercer des fonctions qui sont incompatibles avec leur emploi, mais à condition de solliciter un détachement avant son entrée en fonction. Daniel Bumba n’a donc commis aucune faute. Cela a souvent été le cas aussi bien en RDC qu’à travers le monde dans de nombreux pays démocratiques.

En effet, le général Likulia Bolongo a été Premier ministre de la RDC en 1997, l’amiral Mavua Mudima a été ministre de la Défense, l’amiral Liwanga a été gouverneur de Kinshasa pour ne citer que ceux-là. Au Sénégal, l’article 17 de la loi 62-37 du 10 mai 1962 fixant statut des officiers d’active des forces armées, stipule : «la disponibilité est la position d’un officier autorisé, sur sa demande, pour une période maximum de trois ans renouvelables, à quitter l’activité sans que ce départ n’ait un caractère définitif». Même sans être aussi explicite que la loi congolaise, elle permet pourtant à des officiers de se mettre temporairement en congé de l’armée et de participer au gouvernement. C’est le cas actuellement des généraux Birame Diop et Jean Baptiste Tine, qui sont respectivement ministre de la Défense, et ministre de l’Intérieur et Sécurité publique au sein du gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko.

Belhar MBUYI