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Tribune – Quoi que vous touchiez d’autre, laissez les mandats limités de côté

Quelques mois après l’arrivée au pouvoir du régime de Ruto, un député du parti au pouvoir a proposé la suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels. À l’époque, beaucoup pensaient que cette proposition avait pour but de faire rire les électeurs après une élection à enjeux élevés.

Mais cette chronique a prévenu les Kenyans que la voix apparemment isolée qui a fait cette proposition n’est peut-être pas la seule. Aujourd’hui, un projet de loi déposé par un sénateur du parti au pouvoir a formalisé l’idée en un projet de loi visant à prolonger la durée du mandat des élus de 5 à 7 ans.Dans la chronique avertissant les Kenyans de se méfier de cette proposition, j’ai écrit : « Le déplacement d’une telle proposition des marges de la politique partisane au centre du débat national peut sembler un processus aléatoire, mais ce n’est que plus tard que les gens se rendent compte à quel point le processus était bien chorégraphié. »

Ce projet de loi devant le Sénat confirme cette prédiction.

Il n’existe aucune raison impérieuse ou altruiste de supprimer ou de prolonger la durée des mandats. La crise de gouvernance de l’Afrique a aggravé sa crise de développement.

C’est pourquoi, au fil des années, nous avons essayé de construire des institutions de gouvernance fortes, indépendantes des présidents et de leurs acolytes.

Ces institutions — parlement, pouvoir judiciaire, organes électoraux et autres — créent des systèmes et des procédures qui non seulement contrôlent les excès du gouvernement, mais permettent également aux citoyens de demander des comptes au gouvernement en choisissant de mettre fin à son mandat ou de le prolonger.

La limitation des mandats n’est donc pas une question de fantaisie ou d’arbitraire : elle permet aux citoyens d’évaluer leur gouvernement et de décider de prolonger ou de mettre fin à son mandat. Elle est au cœur de l’idée démocratique.

Les pays africains qui ont supprimé ou prolongé la limitation des mandats se caractérisent par la dictature et la stagnation économique. Notre propre expérience le montre bien.

Le règne de 14 ans de Jomo Kenyatta n’a pas seulement été extrêmement oppressif, il a également laissé un pays divisé selon des lignes tribales, avec une classe politique fabuleusement riche et des millions de citoyens affamés.

Les 24 ans de règne de Daniel arap Moi ont exacerbé les excès de Kenyatta. Lorsque Moi a quitté le pouvoir en 2002, tous les secteurs avaient été paralysés. Les chambres de torture construites à cet effet à Nyayo House sont un symbole macabre de l’ère Moi.

La limitation des mandats ne constitue pas un obstacle au développement. Les dix années de règne de Deng Xiao-Ping ont permis à des millions de Chinois de passer de la pauvreté à la prospérité.

Les dix premières années de présidence de Lula da Silva ont permis au Brésil de devenir une puissance économique majeure. Les dix années de règne de Lee Kuan Yew ont jeté les bases de l’ascension fulgurante de Singapour.

En revanche, les deux années de régime de Ruto ont été un véritable désastre. De son propre aveu et des révélations du vice-président limogé, le régime est corrompu et incompétent et ramène le pays vers la dictature.

Ce n’est pas sur cette base qu’un régime cherche à supprimer ou à prolonger la limitation des mandats. Au contraire, l’évaluation du régime de Ruto jusqu’à présent fait de la limitation des mandats une bouée de sauvetage.

Tee NGUGI, chroniqueur et analyste politique basé à Nairobi

(Analyste tirée de The East African)