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Reddition des comptes au Sénat : remarquable intervention de Salomon Kalonda qui exige des sanctions contre les prédateurs des finances publiques

Le sénateur Salomon Kalonda lors de son intervention hier au sénatPhoto : Finance-cd.com

C’était l’intervention la plus attendue sur le débat sur la reddition des comptes de la loi de finance 2023 au sénat. Et pour cause : la voix de Salomon Idi Della Kalonda, sénateur Ensemble du Haut Katanga, représente à elle seule l’opposition au sein de la chambre haute du Parlement. Son analyse revêt donc la plus grande importance aussi bien pour le landerneau politique que pour l’opinion publique. Connu depuis longtemps comme un homme des dossiers, le bras de droit de Moïse Katumbi passe de l’ombre à la lumière de façon magistrale, en marquant son passage au sénat par la qualité de ses interventions.

Le sénateur Ensemble a commencé par saluer les députés de l’Assemblée nationale «pour la qualité des débats lors de l’examen du projet de Loi sur la reddition des comptes 2023». Avant d’en appeler à ses collègues du Sénat pour un travail sans complaisance au regard de la gravité de nombreux faits de megestion relevés par la Cour des comptes, dont notamment : «des irrégularités flagrantes, des contre-performances dans la réalisation des minima des recettes prévues ; des exécutions de dépenses sans crédits ; des dépassements invraisemblables, des sous-consommations et des non-consommations de crédits, ou encore le non-respect de la chaîne de dépense».

A la lumière du rapport de la Cour des comptes ‘‘qui est d’un bon niveau’’ selon lui, le sénateur retient trois leçons à tirer. Il s’agit, d’abord, de la mauvaise gestion des finances publiques. Selon lui, le constat est amer et sans appel. «La Cour des comptes a révélé les innombrables abus, fautes de gestion, incohérences et autres maladresses. Ce qui montre clairement que l’exécution du budget du pouvoir central de 2023 s’est largement éloignée de la Loi de Finances», déclare M. Kalonda.  

Rétro-commissions

Et de citer, à titre d’illustration, les observations n°8 et 9 à la page 34, et n°36 à la page 81 du rapport de la Cour des comptes «qui interpellent le ministre des Finances sur le paiement des créances non certifiées et sur les paiements par procédure d’urgence en général et concernant la dette intérieure en particulier». L’élu du Haut Katanga passe outre «les explications, ou plutôt les tentatives de justification, du ministre des Finances quant aux raisons de la sur-exécution du paiement de la dette intérieure en mode d’urgence, soi-disant pour relancer le marché intérieur et la consommation, ce à quoi personne ne croit». Avant d’ajouter que la réalité économique et sociale sur le terrain du Congolais moyen prouve le contraire. Et de mettre le doigt dans la plaie : «Les vraies raisons de ces paiements portent un nom : rétro-commissions».

Salomon Kalonda note que, dans sa réponse, le ministre actuel des Finances, M. Doudou Fwamba, se désolidarise des pratiques de son prédécesseur Nicolas Kzadi, et s’engage, lui, à respecter scrupuleusement les observations de la Cour des comptes. Cependant, pour Salomon Kalonda, le plus important, «c’est le fait que le ministre des Finances invite l’Autorité budgétaire, autrement dit le Parlement, donc le Sénat notamment, a exercé pleinement ses pouvoirs, autrement dit à dégager les responsabilités et à proposer des sanctions contre les auteurs de fautes de gestion».

Ensuite, comme deuxième leçon à tirer, il y a le fait que les priorités du Gouvernement ne sont pas les bonnes. «Une minorité est privilégiée, l’écrasante majorité de la population est négligée», assure Salomon Kalonda. Qui en veut pour exemples le taux d’exécution, très généreux, des dépenses des Institutions et des ministères, ainsi que pour le paiement de la dette intérieure, «mise à l’index par les députés nationaux et qui défraie la chronique en raison de la sur-exécution de sa composante non certifiée».  

Effet dissuasif

«Ces sur-dépenses n’ont d’équivalent que la très faible exécution des budgets sociaux de base, ceux qui bénéficient le plus à la population. Il n’est qu’à voir les chiffres pour l’agriculture : 1,8 % ; le développement rural : 4,9 %. Les chiffres pour les services essentiels sont du même acabit, qu’il s’agisse de la fourniture d’eau, d’électricité, de l’éducation (17 %) ou de la santé dont le taux d’exécution est d’à peine 7,75 %», dénonce M. Kalonda. Qui ajoute que, même le PDL 145 Territoires, programme phare du gouvernement, est logé à la même enseigne : 6,96 % seulement. Avant de conclure sur cette partie : «Les dépenses de fonctionnement sont donc outrancièrement disproportionnées par rapport aux dépenses d’investissement».

Et enfin, comme troisième et dernière leçon à tirer, c’est le fait que «tout l’argent est consommé au niveau national, ultra-privilégié, et qu’il ne reste rien, ou très peu, pour l’échelon local, le parent pauvre qui se contente des miettes». Toujours précis dans sa démarche, l’homme cite des exemples chiffrés : «Rétrocessions aux Provinces : 30 % pour les frais de fonctionnement. Pour les investissements dans les provinces : 0 %. ETD et services déconcentrés : 0 %. Caisse de péréquation : 0 %». Avant de poser, dans un soupir de dépit, la question qui fâche : «Comment, dans ces conditions, développer nos provinces et notre pays ?»

Au regard de cette situation, Salomon Kalonda propose la prise de sanctions contre les responsables de cette mégestion. Des sanctions qui peuvent être, précise-t-il, soit politiques, comme un vote de défiance, pour les ministres encore en fonction ; soit judiciaires pour les ministres qu’ils soient ou non encore en fonction ; soit encore administratives pour ceux qui ne sont pas des responsables politiques mais se trouvent dans la chaine de la dépense et ont commis des fautes. Selon lui, de telles sanctions pourraient avoir un effet dissuasif, en permettant «la bonne gestion des Finances publiques dans notre pays afin que le Budget et son exécution répondent aux attentes de la population», assute-t-il.

Salomon Kalonda refuse de prêter foi à la proposition de l’Assemblée nationale de mettre en place une commission d’enquête parlementaire, car, dit-il, dans ce pays ce genre de commissions ne visent qu’à enterrer les dossiers.

Belhar MBUYI