INTERNATIONAL Motion contre Alexis Gisaro : Patrick Munyomo rabat le caquet à Willy Mishiki

Motion contre Alexis Gisaro : Patrick Munyomo rabat le caquet à Willy Mishiki

Patrick Munyomo Basilwango (à gauche) et Willy Mishiki Buhini

Depuis plusieurs jours, M. Willy Mishiki, député AUN (Action pour l’unité nationale) de Walikale au Nord Kivu, s’offre en spectacle comme un esprit braillard et agité. Sa dernière trouvaille : initier une motion contre le président du bureau de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe lwa Kanyinginyi Nkingi. L’homme accuse le speaker de la chambre basse du Parlement congolais ce qu’il qualifie de «violations répétées des articles 235 et 64 du règlement intérieur». Mais est-ce que Willy Mishiki maîtrise quelque chose de ce règlement intérieur ? Une lettre de son collègue de la majorité, le député AFDC-A de Goma, Patrick Munyomo Basilwango lui rabat le caquet et remet les choses en place.

Willy Mishiki reproche à Vital Kamerhe d’avoir enfreint l’article 235 du règlement intérieur, qui stipule que la plénière doit être convoquée 48 heures après la saisine par le bureau d’une motion de défiance contre un membre du gouvernement. A l’en croire, le président de l’Assemblée aurait également ignoré une décision de la conférence des présidents, une instance essentielle dans la gestion des affaires de l’hémicycle.

Le député s’appuie sur les articles 31 et 32 du règlement intérieur pour justifier l’initiative de cette pétition. Il dénonce un «non-respect des procédures établies» qu’il estime préjudiciable au bon fonctionnement de l’institution parlementaire. En réalité, M. Mishiki souhaitait voir le bureau de l’Assemblée nationale passer la motion contre le ministre d’Etat Alexis Gisaro au vote. Que des députés de la majorité se démènent comme des petits diables dans un bénitier afin de déchoir, d’abord, un ministre de leur propre majorité et, ensuite, le président de l’Assemblée, il n’y a pas meilleur moyen de prouver son inculture politique et d’installer la chienlit dans les institutions.

Respect de la procédure

Mais il y avait la lettre de Patrick Munyomo Basilwango, élu de Goma. Adressée au président du bureau de l’Assemblée nationale depuis le 27 novembre, celle-ci a le mérite de rappeler au club des agités les procédures en usage au sein de la chambre. «En date du 13 novembre dernier, vous avez convoqué la plénière statuant sur les questions orales avec débat adressées au vice-Premier Ministre, Ministre du Plan, au Ministre d’Etat, Ministre des Infrastructures et Travaux Publics ainsi que le Ministre des Mines», entame l’élu de Goma. Qui ajoute : «Après débat, nous avons formulé des recommandations que nous avons adoptées en plénière».

Et d’exprimer son étonnement : «Pendant que les Ministres concernés ne sont pas encore notifiés par l’Assemblée nationale pour répondre aux préoccupations de nos populations nous mandate, voilà qu’un collègue

introduit une motion de défiance contre le Ministre d’Etat, Ministre des Infrastructures et Travaux publics». Et de renchérir : «A mon humble avis, il fallait attendre la mise en application de nos recommandations par le Gouvernement avant d’entreprendre un autre moyen de contrôle parlementaire ou d’information.  Eu égard à ce qui précède, je vous prie de bien vouloir transmettre nos recommandations aux membres du Gouvernement concernés. Ce n’est qu’après l’évaluation de la mise en application de ces dernières que nous pouvons envisager un autre moyen de contrôle».

Patrick Munyomo faisait référence à l’article 198 du règlement intérieur, qui stipule : «Si l’interpellation donne lieu à des recommandations, ces dernières font l’objet d’un rapport approuvé par l’Assemblée plénière et transmis par le Bureau de l’Assemblée nationale, selon le cas, au Président de la République, au Premier ministre, au ministre de tutelle dans les soixante-douze heures suivant la clôture du débat». La procédure doit donc être respectée.

Un affabulateur

Willy Mishiki est connu pour son instabilité chronique et sa propension aux affabulations. Jeune militant de l’UDPS dans les années 80 et 90, il suit Faustin Birindwa dans sa dissidence en 1993, puis intègre le gouvernement Nguz en qualité de vice-ministre de l’Agriculture. Après la chute du régime Mobutu, il disparaît de radars. Avant de réapparaitre à Goma, au sein de la rébellion du RCD, soutenue par le Rwanda. Par la suite, devenu négociant de coltan et de cassitérite, il crée un parti, l’UNANA, qui se revendique des forces d’autodéfense Maï-Maï qui, pourtant, combattaient le RCD.

Il intègre le gouvernement Badibanga en 2016 en tant que vice-ministre de l’Energie. Il fait alors un commentaire suspect sur Etienne Tshisekedi parti aux soins à Bruxelles, en annonçant qu’il ne reviendra pas vivant en RDC. Suite au décès du leader de l’UDPS, cette déclaration va lui rester en travers de la gorge, beaucoup l’accusant d’avoir contribué à la mort du Sphinx de Limete.

Ne sachant plus à quel saint se vouer, il sollicite du Premier ministre Samy Badibanga une protection plus importante car disant craindre pour sa sécurité. Dans son trouble, il accuse alors la journaliste belge Colette Braeckman d’être à la base de ses malheurs. Cette dernière le traite alors d’être, tout simplement, un affabulateur. Aux élections de 2018, il rejoint le FCC de Joseph Kabila et milite au sein de l’AFDC-A de Modeste Bahati. En octobre 2020, il accuse le président Félix Tshisekedi de détenir un pouvoir qui n’est pas le sien. Coup de colère de Modeste Bahati, et le voilà qui bat en retraite et fait une nouvelle déclaration pour se contredire. Honni par l’UDPS, il ne sait plus où mettre la tête.

Aux scrutins de 2023, le voilà qui se retrouve dans le regroupement AUN pour s’accrocher désespérément à Félix Tshisekedi. Mais une fois à l’Assemblée nationale, l’instabilité revient. Il rejette la primaire organisée au sein de l’Union sacrée afin de désigner le candidat président du bureau de l’Assemblée nationale et prétend se présenter contre Vital Kamerhe. Avant de se dégonfler pitoyablement. Aujourd’hui, c’est lui qui est au-devant de tous les combats pour déstabiliser le gouvernement de sa propre majorité, ainsi que le bureau de la chambre basse.

Aristote KAJIBWAMI