Londres – Le ministre congolais du Commerce extérieur, Julien Paluku, s’est imposé comme une voix forte et didactique lors de la table ronde organisée par le Parlement britannique sur la situation sécuritaire en République démocratique du Congo. Fort de son expérience comme ancien gouverneur du Nord-Kivu pendant 12 ans, il a brillamment défendu la position de son pays, dans un contexte marqué par l’agression persistante du Rwanda dans l’Est de la RDC.
Organisée sous la houlette du député Sir Gavin Williamson, président du groupe parlementaire multipartite sur la RDC, la rencontre a réuni des figures politiques britanniques de premier plan, dont Tiffany Sadler, envoyée spéciale du Royaume-Uni pour la région des Grands Lacs, des membres de la Chambre des Lords, ainsi que l’ambassadeur de la RDC à Londres, Ngokwey Ndolamb.
Sous le thème « Conflit, paix et sécurité : le rôle du Royaume-Uni dans la résolution de la crise en RDC et le soutien à son développement économique », Julien Paluku a livré une analyse approfondie et structurée.
Une lecture historique et systémique du conflit
D’entrée de jeu, le ministre congolais a rappelé que les violences à l’Est du pays ne sont pas le fruit du hasard. « Il s’agit d’un enchevêtrement complexe de facteurs historiques, politiques, économiques, sociaux et régionaux accumulés depuis des décennies », a-t-il expliqué.
Il a notamment évoqué :
- l’héritage du génocide rwandais et des guerres régionales dans les années 1990-2000 ;
- les tensions ethniques et les faiblesses structurelles de l’État congolais ;
- les enjeux liés aux ressources naturelles et à la prédation économique ;
- et enfin, l’implication directe d’acteurs étrangers, au premier rang desquels le Rwanda.
Une agression déguisée, le Rwanda dézingué
Julien Paluku a été catégorique : « Ce qui se passe à l’Est de la RDC n’est ni une guerre tribale, ni une insurrection interne. Il s’agit d’une agression militaire menée par le Rwanda. »
Selon lui, Kigali utilise le groupe armé M23 comme une force supplétive, soutenue matériellement, logistiquement et stratégiquement par l’armée rwandaise (RDF). Objectif : le contrôle des richesses minières (coltan, or, cobalt, diamants) de la région. « Le Rwanda agit comme une plateforme d’exportation illégale de ces ressources », a-t-il dénoncé.
Résolution 2773 : un cadre ignoré
Adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU le 21 février 2025, la résolution 2773 impose des obligations claires à tous les États membres pour mettre fin aux hostilités dans l’Est de la RDC. Pourtant, selon Paluku, le Rwanda continue d’occuper militairement plusieurs villes stratégiques, notamment Goma, Bukavu, Rutshuru, Kitshanga et Rubaya.
Dans le même esprit, une mission internationale indépendante a été mandatée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour enquêter sur les violations des droits humains dans la région. Les premiers éléments seraient accablants.
Julien Paluku a appelé le Royaume-Uni, réputé pour son attachement aux droits humains, à soutenir fermement ces mécanismes internationaux.
Ce que la RDC attend du Royaume-Uni
Membre non permanent du Conseil de sécurité depuis peu, la RDC espère désormais un appui fort du Royaume-Uni, aussi bien sur la scène multilatérale qu’au niveau bilatéral.
Au sein des Nations Unies, Kinshasa attend notamment :
- la reconnaissance officielle de la violation de la résolution 2773 par le Rwanda ;
- la création d’un mécanisme de suivi robuste ;
- l’imposition de sanctions ciblées contre les officiers des RDF et les commanditaires du M23 ;
- la suspension de la participation du Rwanda aux missions de maintien de la paix ;
- un embargo sur les minerais exportés sans traçabilité légale ;
- l’obligation de notifier tout transfert d’armes vers Kigali.
Au niveau bilatéral et parlementaire, la RDC appelle à :
- une enquête sur les chaînes d’approvisionnement britanniques utilisant des minerais de zones de conflit ;
- une législation renforcée sur l’importation des minerais 3TG (étain, tungstène, tantale, or) ;
- une mobilisation dans le cadre du Commonwealth ;
- et un appui accru aux mécanismes de justice transitionnelle.
« Agir, c’est défendre le droit international »
Pour Julien Paluku, le Royaume-Uni dispose de tous les leviers nécessaires pour faire pression sur le Rwanda. « Ne pas agir reviendrait à cautionner l’impunité », a-t-il averti, avant de conclure sur une note d’espoir : « La RDC possède un potentiel énorme pour devenir un pilier de stabilité et de développement régional. À condition que la paix soit au rendez-vous. »
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