Les pays d’Afrique australe, regroupés au sein de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe – SADC – ont convenu lundi de déployer des contingents militaires pour aider à réprimer la violence dans l’est de la République démocratique du Congo, où des groupes armés terrorisent les civils depuis des décennies, et où la résurgence du mouvement rebelle du 23 mars (M23) soutenu par le Rwanda voisin, a provoqué une grave crise humanitaire. Quatre chefs d’État – RDC, Afrique du Sud, Tanzanie et Namibie – et trois représentants – Angola, Malawi et Zambie – se sont réunis dans le cadre d’un sommet extraordinaire de la Troïka de la SADC et des pays contributeurs à la Brigade d’Intervention de la Force de la Monusco. Ils ont décidé le déploiement “pour rétablir la paix et la sécurité dans l’est de la RDC”, a déclaré la SADC dans un communiqué depuis la capitale namibienne Windhoek.
Cette décision a été prise lors de pourparlers auxquels ont participé plusieurs chefs d’État, dont le président de la RDC, Felix Tshisekedi, ses homologues sud-africain Cyril Ramaphosa et namibien Hage Geingob, ainsi que des ministres de l’organisation régionale qui compte au total 16 membres. La réunion n’a pas donné les chiffres à déployer ni un calendrier pour le déploiement.
Chasser la force de l’EAC
Ce déploiement s’ajoutera également à une force militaire régionale d’Afrique de l’Est qui a repris certaines zones précédemment occupées par la rébellion du M23 depuis décembre. Déjà, des réactions fusent pour saluer l’arrivée prochaine des contingents de la SADC, mais aussi souhaiter le départ de la force de l’EAC. «La SADC à l’Est sans le départ de l’EAC est un désordre de plus. Pour permettre à la SADC de réussir sa mission, il faut le départ immédiat de la force de l’EAC. Nous les avions pourtant prévenus sur la précipitation des deals avec l’EAC et encouragé à prendre l’option de la SADC. L’hypocrisie de l’EAC était prévisible mais personne ne pouvait être écouté. Maintenant que les conséquences corrigent mieux que les conseils, j’espère qu’ils comprendront qu’il faut faire partir l’EAC pour éviter tout chevauchement car nous savons que la SADC ne se laissera pas faire», écrit Francine Muyumba, présidente de la Commission des Affaires étrangères du Sénat et membre du parti d’opposition PPRD.
Beaucoup dans l’opinion critiquaient la force régionale de l’EAC, accusée de mollesse à cause d’un mandat qui n’était pas offensive. On a ainsi vu le président de la RDC, Félix Tshisekedi, sermonner carrément et en public le général Jeef Nyagah, qui commandait cette force régionale, à l’issue d’un sommet de l’EAC à Bujumbura. L’officier kenyan avait fini par jeter l’éponge, se disant menacé.
Le déploiement de la SADC apparaît donc comme un succès diplomatique retentissant pour Félix Tshisekedi, qui est en voie de faire triompher sa ligne, imperturbable depuis le début : victoire militaire totale, et pas de négociations avec les rebelles du M23 catalogués ‘‘terroristes’’ par le gouvernement de Kinshasa. Il démontre que la RDC, sous son règne, n’est pas isolée, et qu’elle peut faire entendre sa voix et influencer des décisions en sa faveur au niveau régional et international.
Selon nos sources, il a fallu arriver à bout des réticences de certains poids lourds de la SADC, dont l’Angola, l’Angola et la Tanzanie. Déjà, lors du sommet des chefs d’Etat sur l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région des Grands Lacs au Burundi, le président Cyril Ramaphosa avait montré de bonnes dispositions, lorsqu’il avait appelé à “une attention urgente” au conflit en RDC. C’était le samedi 6 mai dernier.
S’attaquer aux causes profondes du conflit
«Cette année marque 10 ans depuis la signature de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région le 24 février 2013», a déclaré Ramaphosa. Avant de poursuivre : «À l’époque, les espoirs étaient grands que la signature de l’Accord-cadre inaugurerait la paix, la sécurité, la stabilité et le développement pour la RDC et la région des Grands Lacs. Malheureusement, une décennie plus tard, ces nobles objectifs n’ont pas été atteints.»
Mais aussi : «Des décisions concrètes doivent être prises pour remédier aux lacunes résultant de la non-mise en œuvre du Cadre. Il est essentiel que toutes les parties au Cadre fassent preuve de la plus haute volonté politique et réaffirment leur engagement à sa mise en œuvre.»
Le chef de l’Etat sud-africain a déclaré que, de l’avis de son pays, les éléments suivants devraient être au centre des préoccupations, il s’agit notamment : s’attaquer aux causes profondes du conflit et aux moteurs des conflits violents dans la région pour approfondir et consolider la démocratie et promouvoir la bonne gouvernance ; élaborer une stratégie globale de lutte contre l’exploitation illégale des ressources minérales, la corruption, le blanchiment d’argent et la criminalité transnationale organisée. ; investir davantage dans le renforcement des capacités institutionnelles de gestion et de contrôle des frontières, ainsi que des agences de justice et d’application de la loi.
Mbuta MAKIESSE