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Par la multiplication des taxes sur les produits pétroliers, le gouverneur militaire sanctionne durement les habitants du Nord Kivu

Le général de brigade Evariste Somo Kakule, gouverneur du Nord KivuPhoto : Droits tiers

C’est une double peine que le gouverneur militaire du Nord Kivu inflige aux populations de sa juridiction. En ces temps de guerre où pratiquement la capitale provinciale Goma ainsi que quatre des six territoires de la province sont occupés par les rebelles de l’AFC/M23 soutenus par le Rwanda, cette province fait figure d’entité sinistrée pour le gouvernement central. Pourtant, c’est dans cette province que l’autorité administrative vient de prendre des mesures qui vont assommer davantage les milieux d’affaires, avec des implications attendues sur les prix des biens de consommation courants, au risque de rendre la vie encore plus chère.

En effet, le Nord Kivu fait partie, avec le Sud Kivu, l’Ituri et le Haut Uélé, des quatre provinces qui ont imposé une taxation spéciale concernant l’importation des produits pétroliers, en dehors du Guichet unique compris dans le système Sydonia – Système douanier automatisé, qui est un système informatisé de gestion douanière qui couvre la plupart des procédures du commerce extérieur, permettant la gestion efficiente des manifestes, des déclarations en douane, des opérations comptables ainsi que des procédures de transit et de régimes économiques.

Une taxe supplémentaire

Ce système permet ainsi au ministère de l’Economie nationale de parvenir à fixer la structure des prix dans ce secteur. Faute de percevoir les rétrocessions de manière régulière, ces quatre provinces ont institutionnalisé le paiement de mille dollars américains par camion afin de maximiser leurs ressources et les consacrer à la reconstruction des infrastructures. Parmi ces infrastructures, le Gouvernement provincial dirigé par le Gouverneur Militaire, le général major Evariste Somo Kakule, a eu l’ingénieuse idée de moderniser l’aéroport national Mavivi de Beni. Pour cela, il a signé un contrat avec la Société des Services Vihumbira, SSV en sigle. Les travaux de rénovation de l’aéroport de Mavivi visent principalement l’élargissement de la piste d’atterrissage à 1 kilomètre. 

Seulement voilà : les moyens mobilisés par l’exécutif provincial ne suffisent pas pour financer cette œuvre. Le gouverneur va donc décider d’affecter les 1000 USD dans la rubrique de l’entrepreneur qui construit l’aéroport. Mais, à la surprise générale, il va la majorer d’abord d’une taxe illégale de 100 USD par camion toujours au bénéfice de SSV qui dispose d’un entrepôt à Kasindi, la cité frontalière avec l’Ouganda par laquelle tous les pétroliers font entrer leurs produits dans la partie nord de la province sous administration gouvernementale. Et comme si cela ne suffisait pas, le gouverneur vient de décider une taxe supplémentaire de 100 dollars US au bénéfice cette fois-ci de l’ACCAD (Association congolaise des commissaires agréés en Douane)/Grand Nord Kivu, toujours à verser auprès de la SSV. L’ACCAD est, pourtant, une association dont l’adhésion n’est pas légalement contraignante, mais plutôt libre. Elle ne doit donc pas s’arroger des droits d’inclusion illégaux.

En clair, tout importateur de produits pétroliers est sommé de payer 1200 USD de plus à Kasindi au-delà des frais payés à la DGDA (Direction générale des douanes et accises), alors que la traçabilité de ces fonds perçus n’est pas clairement définie et assise sur un principe qui serait perceptible par l’inspection générale des finances (IGF). En ces moments où le chef de l’État Félix Antoine Tshisekedi a ouvert d’importantes assises sur l’assainissement du climat des affaires en République démocratique du Congo destinées à rendre attractif le pays, ce genre de pratiques nuisent à un bon fonctionnement des milieux d’affaires. D’autant que les opérateurs économiques concernés vont répercuter ces taxes supplémentaires sur leurs propres prix aux clients, avec un enchaînement sur les prix de transport et de tous les biens de consommation.

Plonger le peuple dans une grande souffrance

Ce qui contrevient à la volonté clairement exprimée par le gouvernement central qui, par le truchement de la Première ministre Judith Suminwa, a pris conscience des difficultés dans lesquelles se trouvent les provinces sous état de siège dont le Nord-Kivu et l’Ituri, assommées par les conséquences de la guerre.  C’est dans ce cadre que la cheffe du gouvernement a signé le décret numéro 24/17 du 21 Novembre 2024 portant mesures d’allégements fiscaux, douaniers et des recettes non fiscales en faveur des opérateurs économiques œuvrant dans les provinces sous état de siège, ainsi que le décret numéro 25/04 du 13 Février 2025 modifiant le décret Numéro 23/31 du 15 Octobre 2022 portant suspension de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée à l’importation et à la vente de certains biens dans le domaine de la cimenterie et de l’immobilier, tel que modifié et complété par le décret numéro 23/16 du 15 Avril 2023 et le décret numéro 24/21 du 06 Mars 2024. Une manière de permettre aux opérateurs économiques de cette partie du pays de souffler face et aux populations de faire face aux turpides d’une situation de guerre dans laquelle elles se trouvent. Plusieurs frais ont ainsi été revus à la baisse, à l’instar des frais du FONER (Fonds national d’entretien routier) qui sont normalement de 100 dollars américains, mais qui ont été baissés à 50 dollars américains.

Sur place à Beni et à Butembo, l’opinion publique dénonce unanimement cette charge fiscale qui risque d’asphyxier les opérateurs économiques et créer l’inflation dans cette partie du pays et de plonger le peuple dans une grande souffrance. Coincés par la réalité de la guerre qui leur a fait perdre leur clientèle se trouvant dans la partie sous contrôle rebelle, ces opérateurs sont carrément des héros qui travaillent par patriotisme pour desservir ces populations en souffrance.

Mbuta MAKIESSE